Nurten Aka
Nurten Aka Journaliste scènes

Rodrigo Garcia est à Bruxelles pour le Kunsten. Théâtre furieux, scènes rageuses et spectacles clash en perspective? Pas si sûr: l’homme change, l’artiste avec.

Si tu as 9 ans et que tu vis à Lisbonne, tu vas au Mc Donald’s le dimanche. Si tu as 9 ans et que tu vis à Cuba, tu vas sucer la bite d’un touriste italien… Après, 2 avions se paient 2 gratte-ciel et les gens s’étonnent.  » C’était L’Histoire de Ronald le clown de chez McDonald’s et le succès au grand jour de Rodrigo Garcia lors du festival d’Avignon 2004. Sur scène, la folie: 3 comédiens plongeaient dans les liquides (lait, huile, coca, etc.) avec des tempêtes de corn flakes, une pluie de poudre à lessiver et un écran géant où défilaient les héros de nos dessins animés. Supermarché au scalpel, théâtre furieux, clash pour les premiers rangs, on était restés cois! Lui s’explique: » J’ai vécu la moitié de ma vie dans le tiers monde, dans la périphérie de Buenos Aires, où se nourrir est difficile, et puis en Europe où règne l’abondance. J’ai commencé alors une £uvre violente, rageuse, basée sur l’injustice globale. Ma critique de la société de consommation -dont je fais partie- est la suite logique.  »

A 46 ans, installé dans un village espagnol, Rodrigo Garcia, auteur, scénographe et metteur en scène, travaille depuis plus de 20 ans son langage théâtral qui, malgré le « déjà vu », reste singulier en fusionnant les arts plastiques, la musique, le langage populaire, des éclats de réalités, un peu de mythologie, quelques colères sur le système, de l’humour, des injures, et une envie de heurter le spectateur endormi.  » Rentre chez toi et réfléchis, hijo de puta!« , lance-t-il aux spectateurs.  » J’aime introduire le trivial, un artiste peut avec le vulgaire faire de la poésie… Et la pudeur, c’est la pire chose qui puisse arriver à un artiste sur scène… Mais quand je parle d’une société noire, j’ai l’espoir qu’en l’observant il y a une possibilité de changer.« Aujourd’hui, les spectacles de Rodrigo Garcia et de sa compagnie La Carniceria Teatro (Boucherie Théâtre par ironie envers son père boucher) circulent à travers les continents. Moins expérimental, l’artiste semble annoncer un changement avec ses 2 dernières créations, Versus et C’est comme ça et me faites pas chier.

Chaos ordonné

 » Je suis dans une période plus introspective. Ces 2 £uvres sont très différentes. Dans Versus , il y a 10 comédiens, des musiques live avec du flamenco et du punk. Mes thèmes: l’amour, la peur de la mort, la difficulté à vivre ensemble… Des lieux communs de l’art. C’est comme ça et me faites pas chier est un monologue pour un aveugle avec tromperie sur le titre, ironique car le spectacle est très « tranquille ». Cela paraît à peine une £uvre de moi!« . En effet, à la lecture, on retient un poème souvent opaque sur l’Eden, l’alphabet et une peinture de Masaccio. En filigrane, les stratégies d’éloignement que nous mettons en place  » où il est plus facile d’envoyer un mail que de mettre mes baskets pour venir chez toi « . Dans Versus, il paraît qu’une fille bouffe des livres, que des liquides volent, qu’un singe représentant Dieu apparaît, qui nous persécute avec châtiments, Enfer, etc. Qu’on se le dise, Garcia et son équipe sont maîtres du chaos ordonné, installant sur scène des images d’une beauté féroce et joliment décadente. On se dit alors, en paraphrasant un de ses titres, je préfère que ce soit Rodrigo Garcia (Goya dans l’original) qui m’empêche de fermer l’£il que n’importe quel enfoiré. l

u à Bruxelles, dans le cadre du KunstenFestivaldesArts, Versus, du 14 au 16 mai au Kaaitheater; C’est comme ça et me faites pas chier, du 18 au 20 mai à Bozar. www.kfda.be.

Nurten Aka

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