Rêver à la Suisse

On ne le savait pas, mais « rêver à la Suisse » est d’abord une expression signifiant ne penser à rien. Pour tout dire, on ne connaissait que ce texte du Français Henri Calet qu’on cherchait, en vain, à travers les librairies d’occasion. On avait vu passer quelques extraits on ne sait plus où, de cette écriture légère, à peine désuète, et empreinte d’une douce ironie. Le livre enfin entre les mains, on peut l’affirmer: c’est bien la nation helvétique de carte postale que Calet fantasme. Son chocolat, ses montagnes, et -le texte date de 1948- ses distributeurs automatiques… Adrien Aragon le dit en postface: en ces temps étranges de juste-après-guerre, c’est aussi « le rêve d’un pays demeuré en marge de la guerre et d’une abondance disparue » que fait Henri Calet. Le voilà au consulat dans l’attente (interminable) d’un visa; après deux jours, « je me sentais déjà suisse », s’enthousiasme-t-il. Enfin sur place, il  » fume une cigarette après l’autre devant le lac Léman« . Des paysages aux canards locaux où il dévore les notices funéraires, tout le ravit. « Comment ne pas s’attacher à ce pays où l’on meurt en cueillant des edelweiss…? » À la vue des uniformes des soldats suisses, Calet, ancien prisonnier d’un camp allemand, craint que « l’Oberfeldwebel Petersen ne soit à ses trousses ». Tout le monde ne rira pas, et le livre contient les lettres de lecteurs suisses ayant très peu goûté ces chroniques. Pauvre Calet, qui se considère alors  » comme interdit de séjour en Suisse, par ma faute« . Remercions Héros-Limite, maison d’édition helvète, de le rééditer sans rancune.

D’Henri Calet, éditions Héros-Limite, 104 pages.

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