Réveil douloureux

Très attendue, la nouvelle bande dessinée de Timothé Le Boucher souffre du syndrome de l’album post-chef-d’oeuvre. Analyse.

La comparaison étant inévitable, allons directement au but: Timothé Le Boucher n’arrive pas, avec Le Patient, à reproduire le climax qui faisait tout le sel de Ces jours qui disparaissent. Il faut dire qu’il avait placé la barre tellement haut avec cette histoire qui vous collait à la peau longtemps après avoir refermé le livre. Mais qu’en est-il exactement de ce nouvel opus? Pierre Grimaud a quinze ans lorsqu’il échappe au massacre de sa famille, commis par sa soeur aînée souffrant d’un « léger » retard mental. Gravement blessé, il reste six ans dans le coma. L’histoire commence réellement à son réveil, au moment où il est pris en charge par une psychologue qui va l’aider à se débarrasser de ses cauchemars récurrents. Entre eux, un transfert s’opère sous forme d’une attirance mutuelle, avouée mais jamais concrétisée. Au fil du récit, les véritables motivations de la praticienne se dévoilent. Le temps est long quand on est cloué dans une chaise roulante et, entre les séances d’hypnose servant à faire revivre le passé du jeune homme et la fameuse nuit du massacre, Pierre fait la connaissance des autres pensionnaires de l’hôpital, avec lesquels il se lie d’amitié. Si Timothé Le Boucher a décidé de se spoiler lui-même, réduisant fortement l’impact du twist qu’il réservait à la moitié de l’histoire, il ne sera rien révélé de plus dans cette chronique. Disons simplement que l’auteur multiplie les histoires secondaires apportant chacune, à des degrés divers, une pierre à l’édifice.

Réveil douloureux

Un graphisme affiné

Par contre, graphiquement, l’auteur s’affranchit peu à peu de l’influence du manga et son dessin s’affine en devenant plus réaliste. Il abandonne enfin ce tic venant d’Osamu Tezuka qui parsemait ses productions de personnages grand-guignolesques et dont l’auteur français avait abusé dans Ces jours qui disparaissent. Il se limite ici à l’inspecteur de police, l’affublant d’un ridicule nez en patate, de sourcils en forme d’étoiles écrasées et d’une coiffure « playmobil ». Pour le reste, son dessin s’est complexifié, réussissant presque à rendre chaleureux l’univers hospitalier dans lequel se déroulent les trois quarts de la bande dessinée. Les quelques belles scènes oniriques évoquent l’univers érotico-morbide de l’illustrateur russe Vania Zouravliov. La sensualité n’est effectivement jamais loin, notamment dans la troublante scène de la toilette du patient observée par la psychologue dans le reflet d’un tableau. Au final, les seules traces de manga se ressentent encore dans les visages androgynes et sensuels des protagonistes. Le travail sur les couleurs, également très réussi, participe activement aux différentes ambiances et particulièrement celles de nuit. Somme toute honnête, cette histoire ne révolutionnera pourtant pas le genre. Mais si cette BD est votre premier Le Boucher, appréciez-la en guise de hors-d’oeuvre.

Le Patient

de Timothé Le Boucher, éditions Glénat, 296 pages.

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