Après 4 ans d’absence, et alors que le son de ses hymnes dance n’a jamais autant fait d’adeptes, Faithless revient aux affaires avec The Dance. Explications en exclusivité avec Sister Bliss.

Il n’aura pas fallu longtemps. Une petite vingtaine de minutes, et tous les tickets du concert du 8 mai à l’Ancienne Belgique étaient écoulés. Logique pour un groupe comme Faithless, lancé pour l’occasion dans un tour de chauffe en club, mais habitué des salles aussi énormes que le Sportpaleis d’Anvers. Ils reviennent ces jours-ci avec un nouvel album, sobrement intitulé The Dance. Il est le premier depuis To All New Arrivals, sorti il y a 4 ans déjà. Une éternité de nos jours où les têtes de gondole changent toutes les semaines. Le scénario proposé est clair: après le semi-échec d’un disque plus « introspectif » et « planant » qu’à l’habitude, Faithless est revenu aux bases: celles dictées par le dieu dancefloor. Le premier single tiré de The Dance, intitulé Not Going Home, est une première preuve indiscutable du cap pris. Sister Bliss, en VRP affable sans être bateleur, apporte (quelques) nuances et explications supplémentaires: « Selon nous, To All New Arrivals n’a pas été promotionné comme il le fallait. Malgré cela, on était super fiers de voir que les concerts devenaient de plus en plus gros. On a joué notre premier concert dans un stade! Donc, Faithless n’a pas diminué son audience. Au contraire, notre public est devenu de plus en plus important! »

Pas de coup de déprime, donc. Surtout que durant cette période creuse, tout n’est pas perdu en chemin. Un remix du morceau Music Matters fait son petit effet.  » C’était géant de voir la réaction de gens quand ils ont pu à nouveau réentendre la voix de Maxi. J’ai dit à Rollo qu’il se passait quelque chose avec ce track. Le morceau s’est retrouvé en tête des ventes sur Beatport (la plateforme de téléchargement légale spécialisée dans les musiques électroniques, ndlr) ! Ce n’était même pas destiné à être un truc commercial, c’était juste un morceau pour les clubs. Tout cela nous a donné assez de confiance que pour refaire quelque chose. »

Blonde aux platines

Quinze ans après ses débuts, Faithless est donc toujours bien présent, là où pas mal d’autres se sont perdus en route. Cela n’était pourtant pas gagné d’avance. Après tout, Faithless reste une entité tout à fait atypique. Dès le départ, le projet est trio. Il y a d’abord Rollo Armstrong, le producteur, qui très vite restera à l’abri dans le studio, absent des photos de presse du groupe. Sister Bliss (Ayalah Deborah Bentovim de son vrai nom) est la maîtresse de musique, blonde platine, plantée derrière ses claviers sur scène, derrière ses tables de mix lors de ses sets DJ. « La plus grande méprise au sujet de Faithless? On me prend encore souvent pour la s£ur de Rollo, explique-t-elle . On pense que je suis Dido. On m’accoste pour me dire que je chante magnifiquement. Hey, vous ne pouvez pas voir la différence, les gars? (rires) . «  Enfin, il reste le principal visage et la voix de Faithless: Maxi Jazz (alias Maxwell Alexander Fraser), fan de sport automobile et bouddhiste convaincu, qui truffe ses textes de slogans plus ou moins philosophiques.

Le rat de studio qui ne veut pas se montrer, une DJ platine, un black lymphatique: allez vendre ça à un directeur artistique… « C’est vrai qu’au début personne ne savait à qui on ressemblait. On n’avait aucune identité visuelle. Aujourd’hui, c’est presque une marque: la blonde et le black. En Angleterre, une publicité pour de la téléphonie mobile a repris ce schéma, de manière presque iconique. Il y avait des posters partout dans Londres, les gens pensaient que c’était nous. C’est comme s’ils avaient repris le langage visuel de ce qu’on représentait, Maxi et moi. C’est assez dingue. Mais plutôt sympa. Et en même temps, on n’est pas assez connus pour qu’il me soit impossible d’aller faire mes courses au coin de la rue. »

Faithless a pourtant collectionné les hits taille XXL: God Is A DJ, Insomnia, Mass Destruction… De la dance commerciale mais pas putassière… Les albums ont toujours été aussi plus variés qu’on ne l’imagine. Sur The Dance, plutôt réussi dans le genre, il y a par exemple un vrai reggae ( Crazy Bal’Heads) ou une reprise du groupe synth pop 80’s Blancmange ( Feel Me). Aux oreilles du plus grand nombre, Faithless reste cependant d’abord le groupe aux hymnes dance bigger than life. « Je vois ce que vous voulez dire, raconte Sister Bliss . Ce qu’on en retient en effet, c’est le côté gros son, écran large. En même temps, il y a une vraie simplicité dans notre musique. Cela a à voir aussi avec la production de Rollo. On passe beaucoup de temps à trouver un bon son. Le fait que je joue quasi chaque semaine en club aide beaucoup évidemment. Cela vous donne des idées, cela vous permet même de tester les choses. »

Il est surtout frappant de constater aujourd’hui à quel point le « modèle » Faithless a fait école. Déclassée la bande à Maxi Jazz? Au contraire, le son qu’elle a mis au point il y a 10 ans n’a jamais été aussi présent. D’abord, via les nappes de clavier trance, que l’on a pu voir ressorties par Calvin Harris, Dizzee Rascal ou même Madonna. Le concept même d’un numéro house-dance auquel est joint un rappeur est devenu monnaie courante. « Du coup, les gamins connaissent Insomnia , alors que certains n’étaient même pas nés quand on l’a fait. C’est très excitant pour nous. En fait, chaque fois qu’on joue en DJ, on reçoit une réponse magnifique. L’an dernier, on avait une résidence au Pacha: à chaque set les gens devenaient absolument dingues. Donc cela semble le bon moment. On a l’impression qu’il y a encore de la place pour nous, d’être encore pertinents. Ce qu’on veut rester: pertinents, excitants, jeunes! Même si l’on vieillit… C’est d’ailleurs une des raisons qui nous a poussés à faire le clip de Not Going Home en animation: pour continuer à paraître jeunes! (rires). Je veux rester belle, être un cartoon! »

Bulle musicale

En juillet prochain, Faithless clôturera le premier jour de festival de Rock Werchter, sur la scène principale. Juste après Muse. Dance 1 – Rock 0?… Certes, cela n’a pas toujours été le cas. Mais aujourd’hui Faithless remet les pieds dans une bulle musicale qui a fait de plus en plus de place à la musique électronique. Sister Bliss confirme: « C’est devenu quelque chose de global. Il n’y a pas si longtemps, on disait que la dance était morte, que tout allait vers le rock indé. Mais aujourd’hui même les artistes pop r’n’b américains se penchent sur la dance européenne. Les groupes de rock indé ressortent les synthés, en utilisant également le vocabulaire de la dance dans leurs disques. La scène club aussi n’arrête pas de grandir. Donc en ce qui nous concerne, il fallait revenir avec quelque chose d’assez fort pour que les gens deviennent dingues à nouveau. »

L’autre « nouveauté », c’est la consécration des DJ’s stars. Non seulement pour leurs mix qui font hurler les foules, mais aussi pour leurs propres morceaux. « C’est un facteur important. De plus en plus de DJ’s jouent leur propre musique. Du coup, il fallait faire un disque qui soit assez fort pour que je puisse me dire que, pendant 5 minutes dans mon set, je vais tenir les gens avec notre musique. Regardez des gens comme Armid Van Buuren, Tiesto, Deadmau5… Ils jouent leurs propre disques, en ne laissant parfois plus beaucoup de place pour le reste. Aujourd’hui, grâce à des mecs comme David Guetta, même le marché américain est en train de devenir complètement dingue. A nouveau, c’est quelque chose de très excitant pour Faithless, parce qu’on n’a jamais vraiment travaillé sérieusement les Etats-Unis. Après tout, ils parlent anglais, ils comprennent de quoi on parle! Mais la dance était tellement marginalisée là-bas. Aujourd’hui, cela a changé complètement. En mars, on a joué à l’Ultra Music festival, à Miami. C’était incroyable. »

DIY

Ce qui a changé également depuis les débuts de Faithless, c’est évidemment l’état de l’industrie du disque, laminée par le téléchargement illégal. C’est un monde qui s’est écroulé, sans qu’un modèle de rechange n’ait encore vraiment émergé. Pour la sortie britannique de The Dance, le groupe a ainsi décidé d’en réserver l’exclusivité de la vente aux supermarchés Tesco, la première chaîne de distribution en Albion.  » En Angleterre, les disquaires ont disparu les uns après les autres: Virgin, Zavvi… Une vraie hécatombe… Tesco est venu vers nous, en nous proposant cette nouvelle manière de sortir notre musique. Ils nous ont fait le genre d’offre qu’on peut difficilement refuser. Ils prennent un gros risque en faisant cela. On sert un peu d’emblème pour eux. Donc ils veulent vraiment que cela fonctionne. Tesco en Angleterre est vraiment énorme. Ce n’est plus seulement la nourriture, mais aussi les vêtements, et aujourd’hui la musique. Ils ont vraiment envie de prouver quelque chose, y compris en vendant des choses moins évidentes: on n’est pas un groupe pop non plus, on n’est pas Beyoncé… Donc la vente de l’album physique passera par eux. Mais pour le reste, il sera toujours possible de le télécharger sur iTunes… « 

Ce deal avec Tesco, Faithless l’a conclu directement. Arrivé en fin de contrat après la sortie de To All New Arrivals, la formation s’est en effet retrouvée sans maison de disques. Cela dit, la nouvelle n’a pas l’air de les avoir troublés outre mesure. Le groupe a en effet lancé depuis son propre label, reprenant toutes les cartes en main. « On a payé ce disque avec nos propres sous. Tout passe par nous: le studio, les musiciens, le publishing, le marketing, les vidéos… On est un petit label, et quelque part c’est comme au début, quand Rollo a monté Cheeky Records. C’est un retour aux sources. » Plus loin, la DJ continue: « En même temps, la dance music a toujours joué avec le côté Do It Yourself. C’est son élément punk: vous faites un disque, vous le pressez, vous le filez à 5 DJ’s, et le vendredi, vous pouvez voir si cela marche ou pas. Il y a toujours eu des gars qui montaient leur label, sortaient des tracks à l’arrache… A un moment, ce n’était pas suffisant pour nous. On avait envie de sortir tout un album. Quand on a rencontré Maxi en fait, on s’est rendu compte qu’on avait en main quelque chose qui pouvait dépasser le fait de sortir un single tous les 3 mois pour les clubs. Le monde des boîtes est tellement basé sur le track qui marche, et qui disparaît la plupart du temps très vite… On ne voulait pas être comme tous ces groupes qui font un morceau qui marche et puis disparaissent. On voulait faire 2, 3, 4 hymnes, mais aussi de vrais albums. On a eu beaucoup de chance. » l

u Faithless, The Dance, Pias. zz

u En concert, le 1/07, à Rock Werchter.

Entretien Laurent Hoebrechts

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