De Inglourious Basterds à La rafle, en passant par L’armée du crime et autre Valkyrie, la Seconde Guerre mondiale occupe les écrans comme rarement auparavant. Le symptôme d’une époque anxiogène?

Sans qu’elle ait jamais totalement disparu des écrans, il y avait longtemps que l’on n’avait pas vu semblable déferlante; comme si l’époque avait fait v£u de mettre la Seconde Guerre mondiale à toutes les sauces cinématographiques, en un spectre allant de la farce façon Tarantino et ses Inglourious Basterds à la reconstitution d’un sacrifice héroïque à la mode du Robert Guédiguian de L’Armée du crime. Dernier exemple en date, La Rafle de Roselyne Bosch, qui rouvre une page particulièrement tragique de l’Histoire, et confirme cette tendance récente du Septième art à retourner, inlassablement, sur les lieux du crime absolu. Une propension affirmée de The Reader de Stephen Daldry en Defiance de Edward Zwick, de The Boy in the Striped Pyjamas de Mark Herman en Valkyrie de Bryan Singer. Et jusqu’à Joann Sfar et Martin Scorsese qui auront inscrit l’ignominie du siècle dernier en filigrane l’un de Gainsbourg (vie héroïque), l’autre de Shutter Island.

Nul doute qu’un tel éventail de films réponde à des motivations parfois fort différentes – on peut avancer, sans risque excessif de se fourvoyer, que la perspective historique n’était pas le moteur premier d’un Tarantino, s’amusant plutôt des genres cinématographiques. A l’inverse, par exemple, d’un Stephen Daldry qui, plaçant une criminelle nazie au c£ur de son propos, rompait avec une tradition voulant que le cinéma épouse généralement le point de vue des victimes. « Les génocides, que ce soit encore au Cambodge ou au Rwanda, ne sont pas le fait des seuls malades mentaux », ne se faisait-il faute de souligner dans la foulée, donnant à son film une résonance toute contemporaine.

Si elle ne suffit pas à produire de grands films, la volonté de faire £uvre utile sous-tend à l’évidence la démarche de Roselyne Bosch retraçant avec application l’épisode de la rafle du Vel’d’Hiv’. « Le film n’a pas de vocation pédagogique, explique la réalisatrice. Mais une société est en danger quand elle ne connaît pas sa propre histoire, parce qu’elle réitère les mêmes erreurs. »

S’agit-il encore, comme exprimé tout récemment dans ces colonnes, de « labourer inlassablement ce chant funèbre comme pour l’exorciser »? L’horreur apparaît en tout cas comme source inépuisable de scénarios, de ceux de Liberté, le prochain film de Tony Gatlif, autour des persécutions des tziganes par les nazis, à L’Arbre et la forêt de Jacques Martineau et Olivier Ducastel, traitant cette fois du sort réservé par ces mêmes nazis aux homosexuels. Et on ne parle même pas de Nanny McPhee et le big bang, qui verra la chère Emma Thompson protéger des enfants pendant… la Seconde Guerre mondiale. Commentant son admirable L’Armée du crime, consacrée au groupe Manouchian, Robert Guédiguian nous disait pour sa part: « J’ai voulu montrer comment ces gens-là, dans une période aussi noire, ont vu la faible lueur qui subsistait encore dans l’humanité. Ce sont des exemples, et j’avais envie d’offrir cet exemple aux jeunes gens d’aujourd’hui. Mon espoir, c’est que des jeunes voient ce film et se disent qu’il y a et qu’il y aura toujours à s’indigner et à se révolter, que résister et vivre, c’est la même chose. » De l’ombre à la lumière, en somme…

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Texte Jean-François Pluijgers

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