Retour aux sources

Mélangeant hip-hop, r’n’b, jazz et rythmes africains, la rappeuse zambienne sort un premier album-fleuve absolument ébouriffant.

C’est sans doute l’une des conséquences les plus inattendues de l’ère du streaming: pour scorer, rien de mieux que de sortir des albums à rallonge, bourrés jusqu’à la gueule. Non seulement la disparition du support physique le permet, mais c’est aussi la meilleure manière de gonfler les chiffres. Quitte à sortir des disques boursouflés, inutilement prolixes et bavards…

Avec 19 titres en tout, pour près de 80 minutes de musique, The Return, le premier album « officiel » de Sampa The Great, semble à première vue s’inscrire clairement dans cette tendance. À une nuance près. Si certains artistes se sentent obligés aujourd’hui d’allonger la « sauce », Sampa The Great, elle, l’épaissit. Son disque -plein, dense, passionnant d’un bout à l’autre- évite tout flottement: The Return ne parle jamais dans le vide. Dès la première écoute, tout est à sa place. Sans que rien ne soit figé pour autant. Entre hip-hop, soul, r’n’b, beats sud-africains et effluves jazzy, Sampa The Great ne cesse de chercher. Pour mieux (se) trouver.

La quête est d’abord personnelle. Née en 1993 en Zambie, Sampa Tembo a grandi au Botswana, avant de filer en Californie à l’âge de 19 ans pour étudier la production et concrétiser ses envies musicales. Elle finira par atterrir en Australie en 2013. D’abord à Sydney, puis à Melbourne où elle trouve, enfin, d’autres musiciens susceptibles de partager son univers. Il y a deux ans, sa « mixtape » Birds and the BEE9 obtenait ainsi l’Australian Music Prize, lui permettant dans la foulée de se glisser en première partie de stars comme Lauryn Hill ou Kendrick Lamar. Elle qui avait ajouté The Great à son prénom, moins pour s’auto-encenser que pour se motiver, hallucine: originaire des banlieues de l’industrie de la pop, la voilà conviée au grand raout global!

Retour aux sources

Ce qui n’est pas sans lui poser question. Sur sa place, son « africanité » en général, son identité en particulier. Étrangère en Australie, elle se rend compte qu’elle passe aussi désormais pour « différente » au pays. Les premiers mots de The Return sont donc en bemba, Sampa démarrant avec le morceau Mwana, sur lequel on peut entendre sa soeur et sa mère. Plus loin, l’irrésistible OMG lorgne vers les secousses du kwaito sud-africain (ses deux parents apparaissent dans le clip), tandis que Freedom se demande comment ne pas se faire broyer par la « machine », a fortiori en tant que femme africaine: « Music is the business, now I’m singin’ in this vehicle/Singin’ ’bout my freedom while they plannin’ how it’s buyable ».

Plusieurs fois au cours de l’album, on entend un téléphone sonner dans le vide. Injoignable, la rappeuse a dû faire un pas sur le côté, se mettre en retrait, comme paumée, pour comprendre qui elle était exactement. The Return n’en est que plus triomphal, à l’instar du morceau Final Form, l’un des singles de l’année. « I wanna be me again », insiste Sampa. Elle y arrive avec un disque à la fois fragile et conquérant.

Sampa The Great

« The Return »

Distribué par Ninja Tune. le 24/11 à l’Ancienne Belgique, Bruxelles.

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