JALOUX DE SA LIBERTÉ, NICOLAS DUVAUCHELLE ÉVOLUE À L’INSTINCT DANS LE CINÉMA D’AUTEUR FRANÇAIS, OÙ IL PROMÈNE AVEC BONHEUR SON MÉLANGE DE SENSIBILITÉ ET DE FORCE.

Il y a, d’abord, un accident heureux, celui qui, en 1999, le conduit devant la caméra de Erick Zonca pour Le Petit Voleur. Nicolas Duvauchelle, pas encore 20 ans, et qui n’avait jusqu’alors pas vraiment pensé au cinéma, y trouve son bonheur et se donne quelques mois pour évaluer la tournure que prendront les événements. Il n’en faudra que 6 à Claire Denis pour l’enrôler dans Beau travail -« J’avais un tout petit rôle, mais c’était une super expérience, et ce genre de film, ça donne envie de continuer », apprécie-t-il, alors qu’on le retrouve dans un hôtel bruxellois, 10 ans et beaucoup de films plus loin.

Entre-temps, en effet, l’acteur parisien a imposé un profil pas si fréquent dans le cinéma français -belle gueule, avec ce qu’il faut de rebelle attitude; parmi les acteurs qui le « touchent », il cite Depardieu chez Pialat et Dewaere: « Grand respect pour ce monsieur; Série noire est mon film préféré. «  A son sujet, Thierry Klifa, réalisateur des Yeux de sa mère, évoque pour sa part « un étonnant mélange de sensibilité, de force et de violence », là où Daniel Auteuil, qui l’a côtoyé dans Le Deuxième Souffle avant de le diriger dans La Fille du puisatier, observe: « Il dégage quelque chose d’un peu dangereux. » Son parcours, qui l’a encore conduit de Giannoli en Améris, ou de Téchiné en Resnais, n’a pas pour autant été qu’un long fleuve tranquille. Et s’il cite volontiers les films qui l’ont incliné à persévérer, il ne faut pas beaucoup forcer Nicolas Duvauchelle pour qu’il y ajoute ceux qui, à l’inverse, auraient pu l’inciter à tout laisser en plan -façon Snowboarder, que suivra une longue remise en question, assortie de la conviction qu’on ne l’y reprendrait plus. « J’ai fait des choses parce qu’il le fallait, sans quoi plus d’Assedic. Et je l’ai très mal vécu, j’avais l’impression d’usurper les gens. Au niveau de l’éthique, cela m’a fait mal. Après, j’ai fait des pubs pendant 4 ans pour un parfum d’Hugo Boss, ce qui m’a permis de ne plus avoir à faire de films juste pour manger, et ça, c’est quand même un super luxe. »

Je suis allé voir quoi, déjà?

Une question de principes, qu’il n’a pas voulu sacrifier sur l’autel du cinéma. « Avant, je jouais dans un groupe de métal hard-core, Cry Havoc. J’aime bien l’underground, et pas trop les trucs de masse, comme les programmes de TF1, la musique des Victoires, tout ça -ce n’est pas ma came du tout. Et je pense que le cinéma d’auteur s’inscrit un peu dans cette tendance: il va à contre-courant de tout ce mainstream que je n’aime pas beaucoup. Voilà pourquoi je suis allé vers cela -je me sens beaucoup plus proche de Claire Denis que d’un réalisateur de blockbusters: il y a un vrai message, et une vraie démarche artistique. Ce n’est pas juste du cinéma pop-corn ou jetable dont, 5 minutes après être sorti de la salle, tu te demandes: « Je suis allé voir quoi, déjà? » Moi, j’adore qu’il y ait une recherche artistique et une autre vision de la vie derrière que ce qu’on nous donne tous les soirs à manger à la télé. Ce truc de pensée unique, ça me fait peur, je trouve cela dommageable. »

Le temps, et la notoriété aidant, la palette de rôles qui s’offrent à lui s’est sensiblement élargie -illustration, ces derniers mois, où on l’a vu successivement dans White Material de Claire Denis, et Happy Few d’Anthony Cordier, avant de le retrouver, aujourd’hui, dans Les Yeux de sa mère que suivra, dans quelques semaines, La Fille du puisatier. « C’était un rôle complètement différent de ce que j’avais fait auparavant, et ça, ça m’a plu d’emblée », relève-t-il à propos de Mathieu, l’écrivain qu’il incarne dans le film de Thierry Klifa; un personnage qu’il a abordé à l’instinct, comme toujours.

Ses choix, il les opère, dit-il encore, en fonction du metteur en scène – « la rencontre avec le réalisateur, c’est primordial, et puis savoir avec qui je joue, et ce qu’on me propose, surtout. «  Et s’il n’exclut pas grand-chose a priori, et certainement pas une comédie de qualité – « j’aimerais bien essayer, ne serait-ce qu’une fois »-, rapport aux portes qui s’ouvrent désormais devant lui, il n’en baisse pas pour autant la garde: « Ce n’est pas le moment de gâcher tout ça, de « se vendre ». Pour ça, on est tout prêt à lui faire confiance. « Il faut être en cohérence avec ce qu’on croit », observe encore Nicolas Duvauchelle -une ligne de conduite qui ne lui a pas trop mal réussi jusqu’à présent et qui, pour le coup, vaut mieux que de longs discours.

RENCONTRE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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