AVEC A BIGGER SPLASH, LUCA GUADAGNINO SE FROTTE À L’EXERCICE DU REMAKE, REVISITANT LA PISCINE, DE JACQUES DERAY.

Des remakes, il s’en tourne de nombreux, avoués ou non, dispensables ou pas, l’éventail des propositions allant du lamentable Point Break, d’Ericson Core, au renversant Mildred Pierce, de Todd Haynes. Après beaucoup d’autres, c’est aujourd’hui au réalisateur italien Luca Guadagnino, l’auteur de Io Sono l’Amore, de s’y frotter à l’invitation de StudioCanal, A Bigger Splash, son nouvel opus, revisitant La Piscine, de Jacques Deray, un film culte porté à incandescence sensuelle par Romy Schneider et Alain Delon. « J’aime me surprendre, et me retrouver dans une situation inédite, explique Guadagnino. Comme, par exemple, en tournant un remake d’un film ne m’attirant pas plus que cela, à l’image de La Piscine. Je souhaite toutefois rester cohérent, et fidèle à la ligne que je me suis assignée. Si je me suis lancé dans ce projet, c’est parce que je retrouvais, dans l’histoire de ces quatre personnes, une thématique qui me tient à coeur, celle du désir, tout en y voyant la possibilité d’investiguer l’identité humaine en profondeur. » Et d’insister sur la distance prise avec son modèle: « Je me suis servi de La Piscine comme d’un outil: j’y ai emprunté les bases de mon film, je me suis lancé, et je n’y ai plus pensé. Rien à voir, par exemple, avec une éventuelle adaptation des Buddenbrooks, où l’on serait amené à toujours remonter à Thomas Mann pour visualiser la philosophie sous-tendant son oeuvre. »

A croire, toutefois, que le cinéaste a pris goût à l’exercice, puisque son prochain film sera un nouveau remake, celui du Suspiria de Dario Argento. « Le concept d’originalité au cinéma n’est rien d’autre qu’un trompe-l’oeil, observe-t-il, un brin agacé. Depuis les débuts, on ne fait jamais que refaire -pensez à Hitchcock tournant un remake de son propre The Man Who Knew Too Much. Pour ma part, je veux simplement être conséquent, et ne pas m’imposer de limites en termes de sources. »

Elargir l’horizon

Différence notable par rapport à l’original, Luca Guadagnino a inscrit A Bigger Splash, non plus dans l’arrière-pays tropézien, mais sur l’île de Pantelleria. Manière, comme il l’avait fait pour Io Sono l’Amore, où la passion se déclinait sur arrière-plan de mondialisation, d’élargir l’horizon du film, pour aborder aussi la situation des réfugiés. « L’idée de tourner à Pantelleria est venue de façon intuitive, elle m’est apparue pertinente, et je n’en ai jamais dérogé, même s’il aurait sans doute été plus facile de faire le film ailleurs. La nature y est telle qu’elle a un impact sur les personnages, et comme il s’agit d’une porte vers l’Europe, des gens la traversent et deux mondes différents s’y reflètent l’un dans l’autre. » Une réalité qui occupe l’arrière-plan de A Bigger Splash, jusqu’à bientôt l’imprégner, presqu’insensiblement. « Le film était plus frontal au départ, mais cela nous a semblé trop appuyé. Même comme cela, le distributeur italien souhaitait que je coupe ces scènes, il y voyait un corps étranger. Comme si on ne pouvait pas juxtaposer certaines choses! La vérité, c’est que notre vie est à l’image de la réalité, confuse. L’idée d’enfermer les choses dans des catégories est irréelle. On peut très bien trouver une rock star nue et des réfugiés au même endroit; l’important, c’est la manière dont ils répondent à leur présence respective. »

De cette confusion découle, du reste, la richesse du film, osant une ambivalence où peut s’engouffrer le spectateur –« j’ai voulu le laisser actif dans son choix d’adhérer ou pas à la moralité en jeu », souligne Guadagnino. Vaste perspective, et A Bigger Splash est un film dont l’on ne saurait faire l’inventaire en une seule vision, l’auteur y insérant encore diverses vignettes où le néo-conservatisme de la jeunesse cohabite avec le Emotional Rescue des Stones. Et où, à Gabriele Ferzetti, débarqué de L’Avventura, d’Antonioni,dans Io Sono l’Amore, succède aujourd’hui Aurore Clément, comme en écho cette fois au cinéma de Louis Malle ou Francis Ford Coppola; tout sauf un hasard: « Il n’y a rien, à mes yeux, en dehors de l’histoire du cinéma. Je ne puis m’imaginer dans mon fauteuil de réalisateur sans retourner constamment à mon imaginaire cinéphile et à l’histoire du 7e art. » Remake ou pas.

J.F. PL.

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