Rats on Rafts: « La réverb, c’est un peu notre eau et la distorsion notre nourriture »

David Fagan (à droite) et ses Rats on Rafts mettent le post punk dans de beaux draps. © JASMIJN SLEGH
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Les Rotterdamois de Rats on Rafts font monter leurs influences japonaises à bord d’un troisième album aux allures de grande odyssée post-punk.

« Tout a été difficile. Je ne peux pas mentir là-dessus. » David Fagan est chez lui avec pour décor du linge qui sèche et un fer à repasser. Pratiquement six ans se sont écoulés depuis la sortie de Tape Hiss, le remarquable deuxième album de Rats on Rafts. « On se rendait bien compte que ça prenait du temps, que la pression montait. Pendant quelques années, on n’a plus eu de rentrées financières venant de la musique. C’est pas toujours évident. Tu dois bosser à côté. Tu rentres à 18 heures. Tu manges. Tu joues jusque 3 ou 4 heures du mat. Tu dors un peu et tu repars pour le boulot. »

On connaît l’histoire. Beaucoup de groupes n’y ont pas survécu. Celui de post-punk rotterdamois a juste pris le temps qu’il fallait, nécessaire pour trouver ce qu’il cherchait. « On voulait garder ce qu’on aime. La réverb, c’est un peu notre eau et la distorsion notre nourriture. Elles nous sont vitales. On a aménagé notre propre studio. On avait le contrôle total sur le son. On a travaillé avec un enregistreur 16 pistes. Inspirés par le travail de gens comme Van Dyke Parks et White Noise, des trucs orchestrés des années 60 tels que Scott Walker et Lee Hazlewood. On voulait créer un son d’orchestre sans utiliser tous les instruments qui vont avec. On trouvait nos disques précédents un peu plats. On a donc construit plus de couches qu’à l’habitude. »

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Outre ces influences occidentales, Rats on Rafts ne cache pas son intérêt enflammé pour la musique japonaise. Les Néerlandais sont partis pour la première fois au Pays du Soleil levant afin d’ouvrir pour les Écossais de Franz Ferdinand. Ils leur faisaient penser à un vieux groupe de post-punk nippon expérimental: Les Rallizes Dénudés. « Un truc très bruitiste et extrêmement dur à trouver en disque, sourit David qui, à l’époque, n’avait jamais voyagé hors de l’Europe. Ça a été un choc culturel. Tout est très différent d’ici. Très organisé. Tu es dans la ville la plus fréquentée au monde et personne ne te dévisage comme à Paris. Les gens suivent les règles. C’est très structuré. C’est insensé. Même pendant les concerts. Personne ne parle. C’est assez étrange. A fortiori pour un Hollandais. Avec Franz Ferdinand, on a joué devant 5.000 personnes assises. Ce qui est quand même bizarre. C’était des grands sièges. Comme s’ils avaient déjà connu les restrictions Covid… »

Fagan s’est intéressé à la culture japonaise après avoir découvert le premier album de Phew. Un disque des années 80 enregistré avec des membres de Can et produit par Conny Plank. « Ça m’a ouvert la porte. J’ai découvert Miharu Koshi, Inoyama Land et des trucs du genre… On a réalisé que Haruomi Hosono du Yellow Magic Orchestra avait produit beaucoup des disques qu’on aimait. Avec les autres membres du groupe, on partage énormément de choses musicalement parlant. On essaie de plonger simultanément dans les mêmes phases. Ces albums arrivent à conserver une certaine forme de tradition mais en les bousculant avec le nouveau matériel électronique de leur époque. »

Rats on Rafts:

Dutch connection

Rats on Rafts avait d’abord envisagé Excerpts from Chapter 3: The Mind Runs a Net of Rabbit Paths comme un concept album. « Le problème, selon moi, c’est que ça t’invite à forcer les choses et risque de limiter ta créativité. Quand on a fini le disque, on s’est rendu compte qu’on racontait en fait notre vie. Il y a des trucs personnels, d’autres qui viennent de films et de livres. Ce sont les hauts et les bas de ces cinq dernières années. » Fagan parle de son amour pour le cinéma. Les films vieux et lents, comme il dit. Il a récemment regardé Shame d’Ingmar Bergman et Three Women de Robert Altman. « Je vois beaucoup de beauté dans leur simplicité. Je peux regarder un film de deux heures et demie qui se déroule dans trois pièces. Les gens sont malades mais tu ne sais pas ce qu’ils ont. Je trouve ça intelligent souvent. On te donne des indices mais tu dois construire le reste dans ta tête. C’est très excitant. »

Rats on Rafts a beau jouer avec le kraut, lorgner du côté de l’Amérique, de l’Angleterre et du Japon, il revendique aussi l’influence qu’ont exercée sur lui certains groupes locaux. « Tu regardes toujours d’abord un peu à l’étranger. Tu prends de haut ce qui vient de chez toi. Surtout quand tu es Néerlandais et qu’on parle de punk. Mais à un moment, on s’est demandé ce qu’il s’était passé ici pendant ces années et l’époque new wave. Un groupe rotterdamois comme Kiem, qui a eu un peu de succès en France, proposait quelque chose de très bizarre. Il a été important pour nous. Leur chanteur s’est occupé de notre management et a accompagné l’enregistrement. Ces groupes sont un peu tes racines. Ils expliquent d’où tu viens. Il y a aussi The Rondos, dont le chanteur habite près de chez moi. C’était avant The Ex qu’ils ont un peu inspiré. Un groupe très à gauche. Ils jouaient avec Crass au Royaume-Uni. On est devenus amis. Il apparaît d’ailleurs dans le clip de notre chanson Tokyo Music Experience. »

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On allait presque l’oublier. Les Rats ont sorti en 2016 un album avec De Kift, la fanfare punk de Koog aan de Zaan. « Ça nous a pris du temps et de l’énergie. On était vraiment lessivés quand on a terminé. » Ils se sont aussi trouvé un nouveau batteur grâce à leurs potes de The Homesick. « Pour l’instant, il est blessé. On doit attendre qu’il se retape. » De toute façon, en ces temps de confinement, Rats on Rafts est assigné à résidence. Rotterdam est une ville qui change. « C’est un endroit où pas grand monde ne voulait aller se promener. Une ville réputée sale et dangereuse. Elle a rencontré pas mal de problèmes dans les années 70 et 80. Beaucoup de drogues… Mais à l’heure qu’il est, Rotterdam est devenue populaire et à la mode. C’est affreux. Le tourisme a pris trop d’ampleur. C’était une ville où les immigrés venaient travailler et aujourd’hui, c’est l’endroit où les gens viennent passer le week-end. » Puisse-t-elle encore accoucher de disques d’un pareil calibre…

Excerpts from Chapter 3: The Mind Runs a Net of Rabbit Paths, distribué par Fire/Konkurrent. ****

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