Critique | Musique

[l’album de la semaine] Xenia Rubinos – Una Rosa: racines élémentaires

© MICHELLE ARCILA
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Cinq ans après Black Terry Cat, l’Américaine Xenia Rubinos signe un album qui passe son background afro-latino au tamis électronique. Somptueux.

Ceux qui sont tombés dessus à l’époque s’en souviennent encore. Sorti en 2016, Black Terry Cat était le genre d’album à la fois singulier et hospitalier, immédiatement captivant. Son autrice, Xenia Rubinos, y louvoyait joyeusement entre rap, r’n’b, spoken word et effluves jazz, avec une facilité bluffante, confirmant les promesses d’un premier album, The Black Magic, publié par le petit label new-yorkais Ba Da Bing! en 2013. Par la suite, Xenia Rubinos va cependant perdre le fil, épuisée par la vie sur la route. Au point de se demander si son futur est encore dans la musique.

Cinq ans plus tard, la chanteuse-musicienne afro-latino est heureusement de retour. Avec un troisième album, qui ouvre une nouvelle voie, plus électronique. Tout en conservant cet équilibre toujours compliqué à trouver entre goût de l’expérimentation et démarche viscérale.

Le plus passionnant chez Xenia Rubinos est sans doute cette volonté constante de revendiquer ses racines et son identité -née en 1985, elle est la fille d’un exilé cubain et d’une mère d’origine portoricaine, issue de la population indigène des Taïnos-, sans jamais se laisser enfermer dans la moindre case. En l’occurrence, il s’agit d’abord et avant tout d’éviter de se retrouver coincée dans un tiroir musical. D’où un troisième album, qui pioche dans des textures électroniques, rarement utilisées jusqu’ici par la musicienne de Brooklyn. Working All the Time, par exemple, vrille toutes les 30 secondes, parsemé de blips et de glitch saturés. Rappelant la thématique prolétaire de son single de 2016, Mexican Chef (« Brown cleans your house/Brown takes the trash/Brown even wipes your granddaddy’s ass« ), le morceau concasse sa rage, celle de ceux qui sont payés au lance-pierre pour des boulots ingrats… Rubinos allume aussi régulièrement l’auto-tune -une révolution pour celle qui a étudié le chant et la composition au prestigieux Berklee College of Music. C’est frappant sur des titres comme le frénétique Who Shot Ya?, Did My Best ou encore Ay hombre, qui jouent à fond sur les effets vocoder, rappelant les arabesques vocales métalliques d’un Kanye West, période 808s & Heartbreak.

En outre, cette dernière chanson montre bien que, derrière le paravent électronique, Xenia Rubinos creuse aussi dans son histoire familiale. Ay hombre avance ainsi au rythme d’un boléro tragique, Rubinos se transformant en chanteuse flamboyante. C’est encore plus évident sur le morceau-titre, empruntant sa mélodie latino à un danzón du compositeur portoricain José Enrique Pedreira. Plus loin, Sacude mélange les claves cubaines à un beat et des synthés insistants. Xenia Rubinos réussit ainsi à se réapproprier sa propre tradition, évitant les poncifs. Sur Don’t Put Me In Red, elle fait d’ailleurs allusion à son expérience de concert, où, systématiquement, les ingénieurs lumière des salles visitées forçaient sur les spots rouges, forcément associés à la musique « latino ». Ces clichés, Xenia Rubinos les fait voler en éclats tout au long de son nouvel album. Avec un appétit et une spontanéité réjouissants.

Xenia Rubinos, « Una Rosa », distribué par Anti- Records ****

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