STEPHAN STREKER TOURNE À TRAIN D’ENFER UN MONTANA QUI PROMET DE DÉCOIFFER. AVEC OLIVIER GOURMET EN SAUVETEUR ET VINCENT ROTTIERS EN MAUVAIS GARÇON. REPORTAGE À BOUT DE SOUFFLE…

La jeune fille ne respire plus. Son c£ur s’est arrêté de battre. Penché sur elle, l’homme des services de secours fait l’impossible pour la ranimer. Il n’épargne pas ses efforts, refusant cette mort absurde, inacceptable, comme s’il en faisait une affaire personnelle. Dans la minuscule salle de bain, en haut du vieil escalier si étroit, se joue un drame, une tragédie peut-être. Mais le sauveteur ne renonce pas. Et quand tombe le mot  » Cut!« , il reste encore un moment à genoux, reprenant son souffle dans le silence qu’autour de lui, toute l’équipe de tournage maintient respectueusement… Voir Olivier Gourmet au travail est toujours une expérience passionnante. Mais en cette soirée bruxelloise grise et tristounette, ce qu’il fait et va faire atteint des sommets d’intensité très rares. L’interprète de La Promesse et du Fils des frères Dardenne est de la (très belle) distribution du nouveau film de Stephan Streker, Montana. Le réalisateur belge de Michael Blanco y a réuni, outre Gourmet, le jeune Vincent Rottiers ( A l’origine, Je suis heureux que ma mère soit vivante qui lui a valu d’être nominé aux César), Reda Kateb ( Un prophète, Qu’un seul tienne et les autres suivront… où jouait aussi Rottiers), et Dinara Drukarova ( Bouge pas, meurs, ressuscite, Depuis qu’Otar est parti). Streker s’est (très) librement inspiré d’un fait divers hautement médiatisé, et qui l’avait bouleversé: le meurtre de Jo Van Holsbeeck, Gare Centrale, à Bruxelles. Sans faire aucune référence directe à cette terrible affaire, il a écrit l’histoire de 2 jeunes gens qui ne se connaissent pas, mais dont des circonstances particulières vont provoquer la rencontre fatale. Deux vies, 2 lignes d’avenir dont l’une va se briser irrémédiablement…

Le sportif et le délinquant

Grand amateur de football, Stephan Streker est supporter de longue date du FC Brussels et avant lui du RWDM. C’est dire qu’il sait ce qu’est une cause perdue… L’émotion qu’il a mise dans l’écriture de Montana s’est incarnée dans ses personnages centraux: Julien et Puga. Interprété par un nouveau venu, Ymanol Perset, le premier est un jeune footballeur, auquel l’indisponibilité d’un titulaire dans son club va offrir une chance de briller. Joué par Vincent Rottiers, le second est un jeune délinquant. Dans le squat de la Porte de Hal, à Saint-Gilles, Olivier Gourmet repose son gobelet de café pour remonter l’escalier et poursuivre la scène. Dans le film, il est un père, et un pompier, également dévoués. La jeune fille retrouvée nue et inanimée n’est plus là. Harmonie Rouffiange, la comédienne qui la joue, a quitté le plateau en lançant à l’équipe un malicieux:  » Comme ça, vous m’aurez aussi vue habillée! » Pour les plans qui suivent, un mannequin la remplace. Les man£uvres que le sauveteur doit faire à présent auraient pu la blesser, lui valoir quelques côtes cassées… Comme c’est souvent le cas dans des réanimations réelles.

Gourmet prend place, sous le regard d’une caméra plongeante, qui le cadrera serré. Il a reçu les conseils d’un vrai pompier pour avoir les gestes justes. Il appuie ces derniers d’encouragements:  » Bats-toi! Allez, bats-toi! Reviens! » L’homme qui cherche à rendre le souffle à une presque morte voit le sien s’épuiser. Dans le silence de la petite pièce aussi pleine de monde que la cabine des Marx Brothers dans Une nuit à l’opéra, on l’entend reprendre sa respiration. La caméra tourne toujours, à moins d’un mètre de l’acteur, le réalisateur lui lance des répliques improvisées:  » On n’en a qu’une (de vie) alors reviens! Je te laisserai pas, je te laisserai pas où tu es! » Gourmet reprend les phrases au bond. Il les crie, à présent. Et l’intensité de la prise augmente de captivante façon. Le sauveteur cesse de hurler et dit:  » Maintenant, respire…  » Il est entendu. Gourmet se relâche, mais si peu.  » C’est bien, continue…  » Streker lui glisse:  » Embrasse-la.  » L’acteur le fait, son souffle à l’unisson de celui (imaginaire) de celle qu’il vient d’arracher à la mort… La longue prise se termine. Le réalisateur l’a vécue de si près qu’il en reste un moment tremblant, avant d’ordonner de couper.

Quelques minutes plus tard, un Stephan Streker encore ébloui par le cadeau que vient de lui faire son interprète nous montre, sur l’écran de son ordinateur portable, quelques scènes tournées précédemment avec Vincent Rottiers.  » C’est l’acteur le plus intense de sa génération!« , s’exclame, impressionné, le réalisateur de Montana. Le plan où Puga déclare sa flamme à celle qui surveille sa liberté provisoire est saisissant, en effet. Mais un autre plan séquence capture encore plus l’attention. On y voit le jeune comédien au volant d’une voiture, et prenant à grande allure une enfilade de tunnels. Streker a simplement mis une caméra sur le capot du véhicule, face au conducteur, puis soufflé à Rottiers de foncer, seul, en se filmant pratiquement lui-même. Le résultat est extraordinaire, avec un contre-jour providentiel sublimant l’image, et le visage de l’acteur exprimant des sentiments de plus en plus forts au fil des tours de roue. Une scène tournée à la sauvage, pour un film dont il sera permis d’attendre beaucoup. Et où les connaisseurs du foot belge auront le plaisir de croiser Jacques Teugels et Maurice Martens, 2 joueurs de légende, membres de l’équipe du RWDM championne de Belgique en 1975…

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TEXTE LOUIS DANVERS

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