TROIS ANS APRÈS LE CARTON DE LEUR PREMIER ALBUM, LES ANGLAIS DE THE XX SORTENT COEXIST. MÊMES PAYSAGES BLANCS, MÊME POP PLOMBÉE. SPLEEN IS BEAUTIFUL…

Août 2009. En plein été, une vague de froid venue du sud de Londres rafraîchit d’un coup l’atmosphère. Le buzz tient en deux lettres. Deux X, qui sont à la fois le nom du groupe et de l’album. Ses auteurs ont à peine 20 (XX) ans et pas vraiment la tête d’un boys band. Ils avouent être aussi bien influencés par le dubstep (les échos, la production) que par le r’n’b américain (un certain sentimentalisme). Mais c’est à la cold wave des années 80 qu’ils font surtout penser. Lignes de guitares twangy, basses lugubres, silences polaires. Question image, les clips montrent les jeunes gens vêtus de noir, regards dans le vide. Mais si ça ne rigole peut-être pas, la pop minimaliste de The xx fait un carton, suscitant unanimité critique (il recevra le Mercury Prize en 2010) et chiffres de vente surprenants pour une telle musique downtempo (350 000 albums vendus aux USA, 400 000 au Royaume-Uni, disque d’or en Belgique…). Plus encore, The xx n’a pas été que le hit d’une saison: à sa manière, il a aussi fait bouger les lignes de la pop (même Rihanna a samplé l’ Intro du disque).

Trois ans plus tard, Oliver Sim (voix, basse) se rappelle: « A ce moment-là, le simple fait de sortir un album, pouvoir le tenir en main, était déjà quelque chose d’incroyable. Après, tout a été tellement vite, tout s’est enchaîné sans qu’on réalise vraiment. Ce n’est qu’après la tournée, fin 2010, que je me suis assis et que je me suis tout pris en une fois dans la tronche. » L’emballement n’aura pas été sans conséquence. Après quelques mois à peine, le quatuor s’est transformé en trio, avec le départ de Baria Qureshi (guitare, clavier) pour de classiques « différends artistiques »…

Danse horizontale

Comme en 2009, on rencontre donc les deux principaux visages du groupe, Madley-Croft et Sim. A ce moment-là ( l’interview a lieu à la mi-juin, ndlr), le 3e larron, Jamie Smith, s’est, de nouveau, fait porter absent: il a dû retourner dare-dare à Londres, officiellement pour vérifier les derniers mix de Coexist, le nouvel album qui sort ces jours-ci. Dommage: dans The xx, Smith est un peu l’architecte sonore, le maître des blancs et des creux. Depuis la sortie du premier album, il a d’ailleurs élargi son terrain d’expérimentation. Il s’est fait remarquer en remixant l’ultime album de Gil Scott-Heron ( We’re New Here), en produisant des titres pour le rappeur Drake. Il donne aussi régulièrement des sets DJ sous le nom de Jamie xx. Du coup, certains ont même pu penser que le 2e album du groupe allait peut-être sonner plus dansant et « clubby ». Sim rigole: « Jamie voulait juste dire que les influences étaient là. Mais parmi plein d’autres. On écoute un tas de choses différentes – dont pas mal de dance, c’est clair. Mais cela ne voulait pas dire qu’on allait désormais délivrer notre musique dans ce format-là. »

De fait. Les tableaux dessinés par The xx n’ont pas radicalement changé. Certes, jusqu’à un certain point, Coexist est plus « chaleureux », plus ouaté que son prédécesseur. Mais il avance toujours au ralenti, carburant aux mélancolies nocturnes glacées. Proches du fog électronique d’un Burial ou d’un Four Tet, mais à des années-lumière des hystéries maximalistes d’un Skrillex, 23 ans comme eux. Le « single » (…) Angels est en cela emblématique, un signal pour dissiper rapidement les doutes: l’auditeur a beau attendre, à part quelques brefs roulements de tambours, aucun vrai beat ne vient troubler le paysage blanc dessiné par le morceau.

La musique ne dit pas forcément toujours grand-chose de ses auteurs. Dans le cas des morceaux de The xx, le lien semble toutefois évident. En interview, Madley-Croft et Sim ne sont plus aujourd’hui les jeunes adultes un peu timides croisés trois ans auparavant. Mais ils affichent toujours la même réserve polie, aimables, souriants, mais incapables du moindre éclat verbal, le verbe en permanence feutré.

Sim: « Nos morceaux sont un assez bon reflet de ce que nous sommes. Faire de la musique forte et agressive serait vraiment hors contexte. »

Que raconte alors Coexist? Que dit-il du trio? Sans doute qu’il a gagné en assurance. Il fonctionne toujours en autarcie: l’album a été enregistré à trois, écartant toute influence ou producteur extérieur. Mais une nouvelle dynamique s’est mise en place. Fini les échanges d’e-mails entre Sim et Madley-Croft, quand chacun envoyait ses parties depuis sa chambre d’ado. Aujourd’hui, tout le monde a quitté le domicile familial et les morceaux se construisent davantage ensemble. Sim: « Au départ, je pense qu’on a eu besoin de cette séparation. Cela évitait de se confronter directement aux réactions de l’autre. Du coup, c’était presque comme deux artistes solos qui se retrouvaient pour faire des collages. Pour Coexist par contre, on a essayé de se retrouver dans la même pièce en ne partant de rien. Quelque part, c’était effrayant. Romy est ma meilleure amie, elle me connaît par c£ur, je sais que je peux tout lui dire. Mais cela reste angoissant. Au bout du compte, cela a fonctionné. On a directement pondu quatre chansons comme ça, très vite. C’est l’avantage: on avance beaucoup plus rapidement, c’est plus immédiat. »

Les morceaux de The xx fonctionnent cependant toujours au spleen. Sur Sunset, Madley-Croft chante:  » We act like we had never met. » Elle refuse d’expliquer en détails, mais avoue: « C’est un apprentissage de vivre avec quelqu’un. Que ce soit votre ami, votre amour… vous devez faire des compromis, ce n’est pas toujours évident. Alors un titre comme Coexist ne sonne pas comme quelque chose de très romantique, mais c’est sans doute très réel… »

THE XX, COEXIST, XL RECORDINGS ***

RENCONTRE LAURENT HOEBRECHTS

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