AVEC YVAN ATTAL, FRANÇOIS CLUZET JOUE AUX AMITIÉS PARTICULIÈRES DANS UN DO NOT DISTURB SAVOUREUX ET AUDACIEUX.

Le cou du père François n’a pas enflé suite au succès phénoménal d’ Intouchables. Un triomphe commercial, un triomphe personnel aussi pour celui que tous dans le cinéma français s’accordaient déjà pour placer au rang des meilleurs, mais qui est désormais, aussi et pleinement, une vedette populaire. L’ami Cluzet n’en reste pas moins humble, et c’est avec le même amour du métier qu’il nous parle de Do Not Disturb, où Yvan Attal l’a invité à jouer son ami de toujours… et son amant potentiel d’une nuit!

L’amitié complice, la connivence, ne font-elles pas partie -paradoxalement- des choses les plus difficiles jouer?

Oui, car qui dit connivence dit confiance, et c’est chose délicate. Que ce soit entre amis, ou dans un couple. Dis-moi comment tu m’aimes, je te dirai comment je t’aime… L’amitié ou l’amour sont difficiles à jouer… parce que ça ne se joue pas! Ça se vit! Je ne crois pas du tout au jeu. Je crois à l’incarnation, aux personnages vivants, pas aux perroquets à dialogues. D’ailleurs, les dialogues m’intéressent très rarement au cinéma. Ce qui m’intéresse, c’est le regard qu’on porte. C’est ça que je peux ressentir. Et que je dois vivre, en convoquant (en moi) l’instrument qui convient à ce regard, à cette partition.

Des histoires d’amitié, vous en avez joué beaucoup, et toutes différentes. Le fruit d’une rencontre, à chaque fois?

C’est pour ça que je fais ce métier. Pour rencontrer d’autres artistes. Je ne m’intéresse pas à mon rôle. Je m’intéresse aux films. Donc à tous les rôles, pas seulement au mien. C’est l’interaction qui compte. La guerre est finie entre acteurs! Avant, on jouait son rôle et on essayait d’être le plus déstabilisant possible pour son partenaire. On faisait des tas de mauvais films, avec ça. On a enfin compris qu’un film ne se joue pas seul mais à deux, au minimum. On donne, on partage. On sait qu’on n’est jamais aussi bon que quand notre partenaire est top. Et c’est à nous de le rendre bon, en lui facilitant la tâche plutôt que de la lui compliquer.

Dans Do Not Disturb, vous ne jouez pas que l’amitié avec Yvan Attal. Il y a aussi cette perspective de partager votre lit, fût-ce brièvement…

Si ce sujet était traité dans le cadre d’un drame, il ne passerait pas. Parce qu’il n’est pas assez profond, ni complexe, tolérant, poétique… Mais c’est une comédie! A condition d’être sincère, vous pouvez y surfer sur les situations d’une thématique d’ados. Comment un type de 50 ans peut-il aller vers ce défi à la con, ce projet vers lequel, peu ou prou, son désir ne le pousse pas? Aux projos, en province, on nous demande souvent pourquoi ça ne colle pas, finalement, entre les deux mecs. Mais c’est simple. Rien ne bouge dans les slips…

Aborder un tel rôle au sommet de votre popularité, c’est aussi attirer un public potentiellement nombreux vers une thématique qui ne l’aurait pas « branché » sinon?

Yvan est sincère, honnête. Il n’essaie pas de faire dans le consensus, de plaire à tout le monde. Et dans notre métier, l’échec est la norme (sur 250 films produits chaque année, il n’y en a pas plus de 10 ou 15 qui marchent, et moins de 50 qui se remboursent…). Alors, pour l’éviter, on prend un metteur en scène adroit, et des acteurs comme Laetitia Casta et moi-même, qui sommes un peu à la mode en ce moment. On fait aussi un métier de mode. On doit prendre un acteur en vogue, pas un acteur d’hier. En ce moment, je suis un acteur dont on parle. Je surfe sur ça sans rien changer à ma manière de faire. Et si j’amène des spectateurs à venir se confronter à une histoire qui va les chatouiller, les troubler, c’est tant mieux!

Il faut oser bousculer le public?

Les acteurs, c’est un peu fait pour ça! Souvenez-vous du bouffon du roi. Ce n’était pas le gendre idéal… Le consensus, c’est d’un chiant. Ce serait de devoir jouer Michel Drucker ( grand soupir)… Il n’y aurait rien à jouer, c’est d’un lisse, c’est d’un propre… J’aime jouer des prototypes, des singuliers. Le politiquement incorrect fait partie de notre job. Je navigue sans préjugé, en évitant juste de refaire ce que j’ai déjà fait. Depuis que j’ai fait L’Enfer, je refuse les autres rôles de mari jaloux. Pareil pour les flingues. Quand on me propose des polars, je dis que j’ai déjà donné…

La vraie liberté est celle de dire non?

J’écrème beaucoup, en tout cas. Quand je trouve que ce n’est pas bien écrit, aussi. Je viens du théâtre, je sais l’importance cruciale de la partition… qui n’est pas à confondre avec les dialogues. La partition, c’est la situation, qui doit être riche, dense et prolifique. Sinon ça ne m’intéresse pas. J’ai cette chance, aussi, d’aimer ne rien faire! Je ne suis pas un actif. Je suis un contemplatif. Alors si j’ai dit non non non et qu’il ne se passe rien, eh bien j’attends… l

RENCONTRE LOUIS DANVERS

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