ARCHES,LE NOUVEL ALBUM D’AN PIERLÉ EST CONÇU AUTOUR D’UN IMPOSANT ORGUE D’ÉGLISE GANTOIS, SANS POUR AUTANT ÉRADIQUER LA FIBRE POP DE LA CHANTEUSE-CHERCHEUSE.

Si An Pierlé n’est certainement pas la première artiste à s’emparer de l’instrument d’église (lire encadré), elle a intégré à fond l’orgue monumental de l’église Sint-Jacobs de Gand, ville où elle habite en famille dans d’anciennes étables (aménagées) de l’archevêché. Un signe peut-être. « C’était en 2012, j’étais alors compositrice de la ville, qui me demandait d’utiliser Gand dans ce que je pouvais y trouver comme lieux et ressources. J’avais un bébé et cela tombait dans le cycle où, tous les huit ans environ, je sens l’urgence de me renouveler, de me nourrir, de reprendre l’inspiration. C’est important sinon je m’assèche. Pour le Festival de Flandre, je me suis retrouvée dans un projet de musique avec un organiste d’église, Karel De Wilde, et une chanteuse: cette graine plantée a fini par donner un disque. » Arches est un voyage dans les interstices d’une musique qui combine le format pop et l’instrument-roi de l’église, ce pipe organ dont le ramage sonore vaut bien le plumage. Cela implique l’enregistrement à Sint-Jacobs la nuit, en évitant au maximum le bruit des bagnoles, et l’installation d’un studio portable entre les murs de l’édifice des XIIe-XIIIe siècles. Univers de couloirs ombragés et de portes ancestrales qui s’ouvrent par des clés plus que vintage. « C’était vraiment chouette, tu traverses l’église la nuit et tu te mesures à l’espace qui est un instrument en lui-même. Après, il faut pouvoir enregistrer cette énorme machine, qui possède un moteur, d’ailleurs audible sur le disque (sourire). Koen (Gisen, son compagnon et musicien-producteur) a fait un boulot énorme qui devait prendre en compte le délai du son qui passe par ces longs tuyaux avant d’arriver dans l’église et sa réverb. De plus, l’orgue possède une dynamique énorme qui doit se combiner avec les synthés et puis, il faut pouvoir enregistrer ses graves… » An construit les chansons dans un milieu neutre, celui de sa maison, en superposant les couches d’orgue sur le computer, puis les teste in vivo à l’église. Avec l’idée de ne pas tout écraser sous la masse imposante du clavier: « Je ne voulais pas mettre le grand et le luxueux à fond, d’autant que cet orgue, tu peux aussi le faire sonner comme des flûtes traversières ou de manière très sensuelle. »

Sensualité

Le terme convient bien aux huit titres d’Arches, avec ce truc intéressant que la caresse vient tout autant d’une mélodie fine que de l’instrumentation, le pipe organ joué par Karel De Wilde se montrant caméléon sur les émotions qu’il distille. Il est assez juste de parler de fusion plutôt que de juxtaposition dans l’expérience. An: « J’aime travailler avec des gens doués en musique et Karel, qui n’a que 25 ans, était aussi intriguant pour moi que je ne l’étais pour lui. Je travaille dans la liberté, l’immédiat et l’improvisation, ce qui tranche complètement avec la méthode des musiciens éduqués au classique. Cela m’a obligée à reprendre ce que je savais de l’écriture musicale, histoire de faire les partitions, et c’est pour cela que je mets les accords des morceaux dans le livret de l’album. Pour que les gens testent eux-mêmes les musiques. » An Pierlé sourit, même si la conversation de cette fin d’avril se fait par Skype, la chanteuse étant calée chez elle par une belle crève qui lui a fait annuler un showcase chez Pias. Somatisation assez fréquente à la veille d’événements importants, les deux récentes nuits d’affilée passées à tourner un clip ayant été le virus de trop. An a grandi dans une famille où -côté maternel surtout- on affirmait sa foi catholique: baptisée et communiée, la femme de 41 ans aux fortes convictions se déclare aujourd’hui non croyante.Mais fascinée par l’histoire des édifices religieux qui s’inscrivent en siècles. D’ailleurs, comment transmettre? « Ce disque est partiellement en colère, mais il ne se veut pas pesant. Il capte l’air du temps, ses angoisses, ses peurs, cette violence qui se rapproche de nous. L’écriture s’inspire aussi de ce qui se passe autour de moi, par exemple, des gens qui ne savent jamais se débarrasser des traumas de l’enfance. Le rôle de la musique est de partager des sentiments universels, dans lesquels on va pouvoir projeter sa propre histoire. Et à ce titre, je crois qu’Arches peut remonter le moral. » An sourit à nouveau, visiblement remplie de cette expérience comme d’autres récentes, un disque pour enfants, la BO pour le film de Jaco Van Dormael. Un second album de la même nature organique devrait sortir à la fin de l’été: « Il sera plus extrême, que ce soit dans le versant pop ou l’utilisation de l’orgue d’église. » La messe n’est pas encore dite.

AN PIERLÉ EST EN CONCERT LE 12/05 À L’ÉGLISE DES DOMINICAINS À BRUXELLES DANS LE CADRE DES NUITS BOTANIQUE, WWW.BOTANIQUE.BE.

CD ARCHES CHEZ PIAS.

TEXTE Philippe Cornet

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