Venu du grime, Plan B croise sur son deuxième album blue-eyed soul et hip hop à la Skinner…

à 26 ans, il a déjà enregistré un disque avec Paul Epworth et les Earlies. Ouvert pour les concerts solo de Noel Gallagher. Et tourné au cinéma avec Michael Caine… Ben Drew, alias Plan B, est en pleine bourre. Mélange de soul (beaucoup) et de hip hop (un peu), The Defamation of Strickland Banks, le deuxième album du garçon de Forest Gate (Londres), est entré directement à la première place des charts outre-Manche.

 » Les gens sont cyniques. Ils se disent que j’ai voulu faire mon Amy Winehouse et décrocher la timbale, raconte l’Anglais. Mais ce serait prétendre que parce qu’Amy Winehouse a sorti ces disques au son sixties, elle possède maintenant tout l’héritage de la soul music. Conneries. En plus, je faisais déjà de la soul avant qu’elle et Mark Ronson cartonnent.  »

On se demandait ce qui avait conduit à la soul cet Eminem britannique, surnom que lui ont valu ses paroles au contenu controversé.  » La question est plus de savoir ce qui m’a mené de la soul au grime« , rectifie Plan B. La musique de l’âme est arrivée dans la vie de Ben à travers le cinéma.  » Ou d’autre? C’était l’époque de Vanilla Ice, MC Hammer… Je dois tout à des films comme Stand By Me et Retour vers le futur . Aujourd’hui, les gamins ont toujours le cinoche mais ils ont aussi la pub. Et des gens comme moi, Amy et Duffy…  »

Que ce soit en matière d’écoute ou de création, l’Anglais n’a jamais fait dans la discrimination. Plan B grandit avec le folk, le rock, le reggae… Il est fan de Michael Jackson. Vit l’explosion de la jungle. Et grâce aux jeunes filles au pair qu’accueille sa mère découvre Cypress Hill, Rage Against The Machine, The Prodigy, Nirvana, Soundgarden…  » Mais quand j’étais gosse, Eminem venait d’éclater. Avec mes potes, on écoutait DMX. A travers le hip hop, je pouvais parler de ce que je voulais. Alors qu’avec la soul, fallait arriver avec des chansons d’amour. Et l’amour, j’y connaissais pas grand-chose, moi, à 15 ans. »

Film pour aveugles

En fait, c’est un peu comme si Ben Drew avait pendant des années enterré une partie de lui.  » Je m’étais résolu à l’idée que je n’étais pas un chanteur. J’avais même annoncé à mon manager que je ne chanterais plus mais que j’écrirais des paroles pour le monde de la pop. Rien ne m’empêchait d’envoyer un morceau à Usher. Je n’étais personne à l’époque. Mais une bonne chanson reste une bonne chanson, non? »

Plan B se considère comme un storyteller plus que comme un soulman ou un rappeur… Il ne supporte pas le vide intersidéral dans les paroles de la pop contemporaine. Hait ces producteurs – » ce sont des bites, je les ignore« – qui prétendent qu’il y a trop de mots dans une chanson. Et considère la musique comme un film pour aveugles.  » Mon grand-père était malvoyant et ma mère avait pris l’habitude de lui envoyer des cassettes sur lesquelles on lui lisait des romans. Je me suis dit: pourquoi ne pas faire ça en musique? J’en ai des histoires. Je connais la zone, les embrouilles. J’ai grandi au beau milieu de toutes ces merdes. Mon parrain était un putain d’alcoolique. Trois de mes potes étaient accros à l’héro… Pendant 5 longues années, j’ai tout fait pour les en sortir. Dix ans plus tard, l’un va beaucoup mieux. L’autre a enregistré avec moi un disque de folk rock après être sorti de prison et avoir beaucoup voyagé pour s’éloigner des dealers. Le troisième, je ne lui parle même plus. Il est complètement dingue… Ces gamins ont commencé l’héroïne à 16 ans. Je connais ce monde. J’ai toujours voulu parler de ce genre de choses même si je me cache derrière des personnages fictifs.  »

Wigga?

Sa carrière de rappeur a permis à Drew de décrocher un contrat mais pas de passer en radio…  » Mon rap n’est définitivement pas en adéquation avec les attentes des majors et du mainstream. Mais j’ai réalisé que si je partais sur la soul, je n’aurais pas à faire de compromis. Je pourrais dire ce que je voulais.  »

Plan B se décide à raconter un chanteur soul. Un mec d’aujourd’hui obsédé par les sixties et qui semble d’une autre époque. Devient une méga star. Tire avantage de sa position. Se fait plein d’ennemis. Et se retrouve accusé de viol.

 » La soul parle majoritairement d’amour, de lutte, de justice. Des sujets dans lesquels la plupart des gens peuvent se retrouver. Le monde part en couilles. Il y a des problèmes de détournement, de corruption partout… Puis, on a tous une âme et un c£ur. Enfin presque tous.  »

Le problème, c’est que la soul old school et le hip hop moderne, ça marche pas trop ensemble.  » Grosso modo, j’avais enregistré 2 albums. Un hip hop. L’autre soul. Quelqu’un m’a suggéré de splitter. Un disque où Strickland Banks raconte son histoire à travers ses yeux, son langage. Et un deuxième, hip hop, avec toutes les merdes qui peuvent t’arriver en zonzon.  »

Mais on est en 2010 et les doubles albums, pour les labels, c’est péché.  » Ils m’ont dit que l’idée ne les excitait pas. Qu’ils ne pensaient guère pouvoir marketer et vendre le produit. Puis aussi que les radios auraient peu de chance de me diffuser et qu’ils avaient du mal à y croire. « Ben se voit alors suggérer de sortir son disque rap sur son propre label.  » Au début, j’étais offensé. Puis, je me suis dit qu’il en valait mieux ainsi. Il pourrait voir le jour à la rentrée 2011.  »

Une petite sortie. Indépendante. Sans claquer trop d’argent.  » Il y a sans doute des fans de la première heure qui se demandent ce que je suis en train de foutre en m’entendant à la radio mais ils ne savent rien de la suite de mon projet. Au début, la majorité des gens me haïssaient. On détestait le fait que je sois un petit blanc qui rappe. On me traitait de wigga (un blanc qui rêve d’être noir, ndlr) . Me qualifiait de gamin ignorant qui cherche juste à choquer. J’entends bien les faire changer d’avis. En ce qui me concerne, ce projet est un échec tant que mon album hip hop et mon film ne sont pas sortis. » l

Plan B, The Defamation of Strickland Banks, chez Warner **.

Le 17/11 au Splendid (Lille) et le 26/11 à l’AB (Bruxelles)

www.myspace.com/time4planb

Rencontre Julien Broquet, à Amsterdam

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