Eric Swennen
Eric Swennen Journaliste livres

UN PEINTRE ET UN PIRATE SONT DANS UN BATEAU. OU PLUTÔT DANS UNE GALÈRE VIRANT À LA CROISADE VERSION NON-VIOLENTE.ILS SONT FOUS CES GRECS!

Le Peintre et le pirate

DE COSTAS HADZIARYIRIS, ÉDITIONS CAMBOURAKIS, TRADUIT DU GREC PAR SOPHIE GOLDET ET MICHEL VOLKOVITCH, 173 PAGES.

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Avant que le haut de l’iceberg de la rentrée littéraire ne soit complètement en vue, cap sur un roman fleurant bon l’aventure et l’exotisme en provenance de Grèce. On ne va pas jouer au plus malin: la littérature grecque contemporaine, on n’y connaît franchement pas grand-chose, voire rien du tout. Alors concernant celle datant des années 50, on réclame un joker et fissa! Une fois encore, on doit notre salut aux vaillantes éditions Cambourakis et leur collection ßα, dédiée à des textes souvent inédits et toujours singuliers dans la langue d’Homère. A notre décharge et après quelques rares renseignements pris, rien de particulièrement honteux à notre ignorance de l’oeuvre de Còstas Hadziaryìris. Ce linotypiste de profession et auteur en dilettante d’une poignée de romans était complètement ignoré de son vivant jusque dans son propre pays. Lassé par cette absence totale de reconnaissance, il jettera l’éponge après la sortie à compte d’auteur de ce Peintre et le pirate à l’aube des années 50. Il faudra attendre 1963, année du décès de Hadziaryìris, pour que cette dernière tentative soit rééditée et accède au rang de roman culte dans le cercle fermé des lettres grecques.

Piller Stevenson

A lire ce récit de voyages atypique, on aura plutôt tendance à se réjouir que les plages de sable chaud soient définitivement dans le rétroviseur pour cet été. Car les aventures rocambolesques du féroce flibustier Costandis auraient de quoi donnerla jaunisse à Rackam le Rouge et feraient passer Barbe Noire pour une oie blanche fraîchement rentrée dans les ordres. Et d’illumination divine, il en sera justement question! Plus qu’une simple odyssée pirate avec les clichés du genre en option, Le Peintre et le pirate conte le naufrage mystique d’une bande de corsaires au XVIe siècle, perdus dans les mers d’Europe et qui se voient touchés par une foi chrétienne qui les rend incapables de se comporter comme les pillards qu’ils ont toujours été. Et appliqué sur un équipage de foies jaunes pareil, un tel virement de bord frisant le fanatisme fiévreux peut s’avérer bien plus dangereux que l’abordage d’une galère pleine à craquer d’ennemis armés jusqu’aux dents… Si on cite volontiers plus haut quelques références BD, on va même plus loin en rapprochant l’humour mordant de Còstas Hadziaryìris-qui en dit toujours plus long que ce qu’il n’y paraît- de celui de Lewis Trondheim dans Ile Bourbon 1730 et des meilleurs moments de la saga Donjon voire de Christophe Blain (et son Isaac le Pirate)à qui on confierait bien une adaptation de derrière les fagots. Une façon comme une autre de dévoiler le talent touche-à-tout de Hadziaryìris, capable de piller Stevenson tout en triturant les codes de l’épopée grecque autant que ceux du conte philosophique cher à Voltaire. Déstabilisant de A à Z.

ERIC SWENNEN

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