Pétrole norvégien

© © JULIE PIKE
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

LE SPLEEN ENDÉMIQUE DE CE SEPTIÈME ALBUM POURSUIT LES SENSATIONS ACTUELLES DU TALENTUEUX AUTEUR-COMPOSITEUR NORVÉGIEN FACE AU TEMPS QUI FILE.

Thomas Dybdahl

« The Great Plains »

DISTRIBUÉ PAR V2 RECORDS.

8

Thomas Dybdahl est né dans une ville moyenne du sud de la Norvège en avril 1979, ce qui lui fera bientôt 38 ans. Âge relativement précoce pour l’annonce faite dans la bio accompagnatrice du disque: « Les chansons de cet album, pour la plupart, parlent de ce moment dans la vie où vous prenez le temps de regarder dans le miroir comme en vous-même, pour découvrir que vous ne reconnaissez pas celui qui vous fixe (…) une façon de voir clairement ce qui compte vraiment pour vous et tout ce qui doit encore venir. » L’introspection semble avoir toujours fait partie du Norvégien, au moins comme fixateur émotionnel de morceaux d’abord associés à l’intimité. Par leur magistère feutré et une voix qui ne hausse jamais le ton mais dont la multiplication des pistes en studio donne à Dybdahl la texture d’un confessionnal pop ambulant. Avec Bon Iver -arrivé ultérieurement sur le marché-, il partage le goût des choeurs gazeux et des instruments délicats rassemblés en spleen d’envergure. Phil Spector customisé en homéopathie végétale. La structure sophistiquée et les arrangements océaniques gardent pourtant toujours le cap de la mélodie, point fort de Dybdahl: comme dans les impros jazz, il s’autorise à quitter la dualité naturelle de la musique -la chanson en couplet-refrain- pour filer sur des bretelles secondaires sans être broussailleuses.

Extension du domaine du slow

Par exemple, la route toute tracée de No Turning Back, arrivée aux trois minutes, s’arrête pile et branche l’auto-tune vocal sur des sonorités vaporeuses, donnant l’impression de partir en orbite pendant une soixantaine de secondes. Avant de rattraper à toute blinde la mélodie du titre ainsi (ré)confortée. Alors, tous ces moments qui traitent d’un voyage sans retour dès le titre (When I Was Young, Baby Blue) construisent aussi une partie de disque plus enlevée, voire joyeusement eighties comme 3 Mile Harbor, décoré par un synthé de pacotille. Avant de replonger dans la grande mélancolie de Born & Raised et ses élégants ressacs de désespoir lucide, proustiens comme dirait Marcel. La confrontation au chrono de la vie autorise visiblement Dybdahl aux simples envies sentimentales dépassant la notion de bon goût: un grigri brésilien qui décore Just A Little Bit mené sur un rythme mi-tropical, mi-variété seventies ou cette extension du domaine du slow lors du morceau final, Bleed. Avec une masse de détails finauds amenés par le producteur compatriote de Dybdahl, Kare Vestrheim, généreux dans la confection d’un disque, au final, équivalent sonore de l’épicerie fine et même pas snob.

EN CONCERT LE 2 MAI À DE ROMA, ANVERS.

PHILIPPE CORNET

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