Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

L’INFATIGABLE RÉALISATEUR DE NOSTALGIA DE LA LUZ POURSUIT SON FORMIDABLE TRAVAIL DE MÉMOIRE, ENTRE CIEL ET TERRE, DANS LE DÉSERT CHILIEN.

Personne n’en voulait de ce film. Tour à tour, une bonne quinzaine de chaînes de télévision refusèrent de s’y embarquer. Il fallut que sa propre épouse s’improvise productrice, et que 2 amis leur prête de l’argent, pour que Patricio Guzman puisse enfin entreprendre Nostalgia de la luz… et en faire la perle de documentaire qu’une critique unanime célèbre aujourd’hui, en France et ailleurs…  » Il y avait au départ de ce film plusieurs éléments qui se sont cristallisés« , raconte celui dont les £uvres (de La Bataille du Chili au Cas Pinochet) ont si remarquablement chroniqué les ravages de la dictature chilienne et leurs suites.  » D’abord, explique Guzman, il y avait mon attraction de toujours pour l’astronomie, et ma fascination pour ce désert d’Atacama, au Chili, où je n’étais plus retourné depuis 1972. Il m’est apparu que ce désert cumulait plusieurs points d’intérêt: ses mines de salpêtre du XIXe siècle avec leurs villages de mineurs abandonnés, la présence d’archéologues et de géologues trouvant là une matière de recherche abondante, celle d’astronomes observant le ciel d’une clarté unique, et puis des momies en état de conservation extraordinaire, et aussi ces familles qui recherchent leurs disparus victimes des massacres que Pinochet fit commettre dans la région… »

Enfants des étoiles

Quatre années d’écriture permirent à Guzman de rêver le film, depuis son domicile de Paris où il s’était exilé, chassé par la dictature. Il fallut ensuite confronter son désir à la réalité du terrain, dont les ressemblances avec la surface de… la planète Mars ne pouvaient que passionner ce grand amateur de science-fiction.  » Mes intuitions étaient-elles vérifiables? Allions-nous pouvoir lier tous les éléments différents, établir un dialogue entre eux, avec très peu de moyens et très peu de temps?« , s’interroge encore aujourd’hui Patricio Guzman. Repérages et tournage durent ainsi s’enchaîner,  » mais les personnages apparurent, et les choses prirent forme« , se rappelle un réalisateur qui reconnaît avoir eu beaucoup de chance, tant avec la météo que dans ses rencontres.  » Il y a dans le cinéma documentaire quelque chose d’organique qui vient de ce que vous filmez et vous emmène bien plus loin souvent que votre projet conscient!« , s’exclame un Patricio Guzman qui a vu notamment ses désirs d’offrir au spectateur  » des dimensions métaphoriques » s’incarner littéralement devant sa caméra. Ainsi prennent vie dans Nostalgia de la luz, et pour notre plus grande émotion, l’infiniment petit et l’infiniment grand, l’infiniment proche et l’infiniment lointain, un nuage de poussière soulevé du sol et un firmament d’étoiles.  » Le calcium qui est dans nos os est le même que celui qu’on trouve dans les corps célestes, nous somme descendus des arbres avec nos ancêtres hominiens mais avant cela, nous sommes tous enfants des étoiles…« , conclut le cinéaste au regard brillant d’enthousiasme communicatif. l

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