DE LUCAS BELVAUX. AVEC EMILIE DEQUENNE, LOÏC CORBERY, SANDRA NKAKE. 1 H 51. SORTIE: 07/05.

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L’amorce de son nouveau film est si déroutante, si différente de ses précédentes réalisations, qu’on peut se demander si Pas son genre ne serait… pas son genre à lui! Lucas Belvaux a voulu surprendre, se surprendre lui-même aussi peut-être, en tournant pour la toute première fois un film d’amour, une romance bien éloignée apparemment de sa Trilogie, de La Loi du plus faible, de Rapt et de 38 témoins. A la perplexité générée par les premières minutes du film succède le sentiment progressif de saisir ce que le cinéaste a voulu faire en adaptant le roman de Philippe Vilain. Puis le bonheur de le voir réussir sans crime ni délit, sans fait divers mais avec cette part de naturalisme coloré de conscience sociale qui marque toute sa filmographie. Nous suivons donc à Arras un jeune enseignant parisien affecté pour une année scolaire dans un lycée du nord de la France. Clément ne sait pas trop bien comment tuer le temps dans cette province ignorant les rythmes et les rituels de la capitale. Entré dans un salon de coiffure, le prof de philo sera bientôt très proche de la jeune femme qui lui a fait sa coupe. Elle s’appelle Jennifer et préfère les soirées karaoké à la lecture de Sartre…

Entre l’intello parisien et la provinciale travaillant de ses mains, la passion sera physique, mais pas seulement. Jennifer lira les bouquins conseillés par Clément, et lui l’accompagnera en boîte avec ses copines. Ils feront comme on dit un beau couple, malgré leurs différences. Mais déjà maman, elle veut du solide. Et lui n’est là que provisoirement, retournant même chaque week-end dans la capitale… Pas son genre aborde une histoire d’amour par son versant social et culturel, mettant les sentiments à l’épreuve d’une réalité qui les fragilise. Car comment vivre ensemble quand tant de choses dans l’éducation, dans le mode de vie conspirent à vous éloigner l’un de l’autre? Ce constat douloureux, posé déjà par bien des films, Lucas Belvaux ne s’en contente heureusement pas. Pas plus qu’il ne veut conclure à quelque déterminisme absolu. Lui qui fuit comme la peste le cinéma psychologique, cherche la vérité de Pas son genre dans l’incarnation. Au sens le plus fort, le plus plein, le plus concret du terme. Et c’est Emilie Dequenne qui le lui permet. Face à un Loïc Corbery (sociétaire de la Comédie Française) très bien dans son rôle, l’actrice belge illumine littéralement l’écran. Aussi formidable en mode solaire qu’elle le fut dans le sombre A perdre la raison, Dequenne touche, séduit, enthousiasme, fait frémir et bouleverse devant une caméra qui la cadre du plus près, en gros plans superbes. C’est simplement sublime.

L.D.

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