DRÔLE ET TERRIBLE À LA FOIS, LA SÉRIE POLICIÈRE ET BURLESQUE DE BRUNO DUMONT MARQUERA L’HISTOIRE DE LA TÉLÉVISION!

P’tit Quinquin

DE BRUNO DUMONT. AVEC ALANE DELHAYE, LUCY CARON, BERNARD PRUVOST. 4X60 MINUTES. DIST: LUMIÈRE.

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On ne le savait pas drôle… Bruno Dumont révèle sa face humoristique dans la plus singulière minisérie entreprise depuis le génial et délirant Riget (L’Hôpital et ses fantômes) signée au milieu des années 90 par Lars von Trier. Le cinéaste de La Vie de Jésus, de L’Humanité, de Flandres et récemment de Camille Claudel, 1915 nous emmène une fois de plus dans ce Nord de la France dont il vient et où il aime situer ses films.

Nous voici donc dans le Boulonnais, sur la côte, aux abords d’un village qui va connaître des événements des plus étranges et inquiétants. Le corps d’une femme assassinée est retrouvé, premier cadavre d’une suite révélée par autant de découvertes macabres. Très macabres même, car les restes des victimes ont été placés… à l’intérieur de vaches elles-mêmes trucidées!

Vertiges

Une bande de gamins du coin, menée par P’tit Quinquin (tout blond et rond, avec un bec de lièvre), observe les débuts d’une enquête menée par un improbable inspecteur au visage secoué de tics nerveux. Les enfants cherchant eux aussi la clé d’une énigme aussi terrifiante que grotesque…

Partant du principe « qu’il ne faut pas laisser les séries aux tâcherons« , Bruno Dumont a donc répondu à l’invitation d’Arte, qui lui donnait carte blanche. Il a imaginé un récit décliné sur quatre épisodes diffusés deux par deux au mois de septembre dernier. L’ensemble bénéficie déjà d’une édition DVD soignée, même si sans bonus. P’tit Quinquin surprend et bouscule, avec son suspense policier semé d’horreurs absurdes, ses tronches sorties tout droit d’une comédie de Jean-Pierre Mocky, ses gags énormes et ses répliques martiennes.

Mais il prolonge en même temps la démarche bien connue des amateurs du cinéma de Dumont: scruter l’humain dans ce qu’il peut avoir de plus vertigineux, tout en posant sur le corps social un regard absolument politique. Par-delà son (très réel) impact de divertissement, P’tit Quinquin pose ainsi le constat d’une France profonde frémissante de peur, où racisme et intégrisme sont prêts à entamer l’escalade finale. Ce faisant, le réalisateur français confirme son caractère visionnaire, tout en rendant hommage au burlesque des origines, ce comique décapant où Chaplin, Keaton, Laurel et Hardy, entre autres, faisaient rire au bord du tragique existentiel, sans jamais oublier la réalité sociale dans ses aspects les plus durs.

LOUIS DANVERS