Critique

[critique ciné] Onoda – 10 000 nuits dans la jungle: expérience esthétique et sensorielle

© Bathysphere
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Harari réussit par sa mise en scène et par le rythme du film à traduire l'(ir)réalité de la situation d’Onoda, tout en la rendant intensément prégnante.

À l’origine de Onoda – 10 000 nuits dans la jungle, le deuxième long métrage d’Arthur Harari, on trouve l’histoire vraie de Hirô Onoda, soldat japonais qui, ignorant que la Seconde Guerre mondiale s’était terminée 30 ans plus tôt, devait garder, avec quelques autres d’abord, seul ensuite, le maquis dans une île philippine jusqu’en 1974. Ce destin aussi incroyable qu’improbable inspire aujourd’hui au réalisateur français un drame envoûtant, fondant en un tout hypnotique aventures physique et intérieure.

Formé à la guérilla par l’armée japonaise, le lieutenant Onoda devait débarquer en 1944, à l’âge de 23 ans, sur l’île de Lubang, avec pour mission de ralentir les avancées américaines par des actes de sabotage. La capitulation du Japon, le 2 septembre 1945, aurait dû logiquement mettre un terme à cette guerre secrète. Repliés dans la jungle et ignorant la reddition de l’Empire, Onoda et trois de ses hommes poursuivront le combat, continuant à mener des opérations commando occasionnelles contre les autochtones, et restant sourds aussi bien aux tracts leur annonçant la fin du conflit qu’aux appels répétés à déposer les armes que leur adresseront jusqu’à des proches. En quoi ils s’obstineront à ne voir que « fake news » avant l’heure et propagande ennemie, aveuglés par une loyauté confinant au fanatisme. Les circonstances dans lesquelles le lieutenant finira par accepter de se rendre à l’évidence ne sont d’ailleurs pas l’épisode le moins ahurissant d’un film n’en étant point avare.

La poursuite d’une obsession

Après avoir investi le milieu des diamantaires anversois dans Diamant noir, Arthur Harari continue à tracer une voie éminemment singulière dans le cinéma français, gagnant, à la faveur de ces 10 000 nuits dans la jungle, un terrain plus exotique. Tourné au Cambodge avec des moyens limités, Onoda a, de toute évidence, constitué une aventure logistique. Celle, humaine, qui se donne à découvrir à l’écran n’est pas moins fascinante, où la réalité s’estompe dans la poursuite d’une obsession. Mouvement que le réalisateur accompagne en amenant Onoda en terrain aussi bien physique -il s’agit d’un survival après tout – que mental, le lieutenant japonais apparaissant comme une figure éminemment conradienne -si diverses citations affleurent, Deliverance de John Boorman par exemple, la référence s’imposant avec le plus d’insistance est Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Pour autant, Harari fait là oeuvre toute personnelle, réussissant par sa mise en scène et par le rythme du film où, au temps de l’action, avec ses diverses péripéties, s’en superpose un autre, dilaté, à traduire l'(ir)réalité de la situation d’Onoda, tout en la rendant intensément prégnante. Une forme de tour de force qui achève de faire de ce film une expérience esthétique et sensorielle dont les échos se révèlent, l’air de rien, obsédants.

Film d’aventures/guerre d’Arthur Harari. Avec Yûya Endô, Kanji Tsuda, Yuya Matsuura. 2 h 47. Sortie: 11/08. ****

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