L’Ohio est devenu le baromètre littéraire de l’Amérique. Rien d’étonnant donc à ce que, comme Donald Ray Pollock ou Colson Whitehead avant lui, Stephen Markley situe son premier roman dans ce désert industriel du Midwest. Et plus exactement à New Canaan, petite ville sans charme et sans futur qu’ont désertée quatre jeunes au sortir de l’adolescence, et qui vont s’y retrouver par hasard au même moment un soir d’été de 2013, alors qu’ils ont désormais la trentaine. Un retour aux sources qui va réveiller les souvenirs, parfois amers, et leur faire réaliser combien leurs ambitieuses aspirations juvéniles, dans le sport ou la musique, se sont brutalement dissoutes dans les vapeurs acides d’un monde déboussolé. Bill, ex-athlète vedette du lycée -malgré ses idées de gauche-, ressemble désormais à une épave défoncée, convoyeur d’un mystérieux colis destiné à l’ancienne reine de beauté du bahut, elle aussi tombée dans la déchéance. Stacey a fini par assumer son homosexualité mais reste marquée par son chemin de croix. Dan a survécu à la guerre (contrairement à Rick, l’idole sacrifiée) mais y a laissé un oeil, sa joie de vivre et toutes ses illusions. Quant à Tina, elle a refait sa vie mais trimballe depuis tout ce temps un secret inavouable. Ambiance poisseuse de polar et hyperréalisme font bon ménage. Et hormis un usage un peu excessif du flash-back (un péché de jeunesse), Markley autopsie avec brio les passions tristes d’une génération post-11 Septembre orpheline des idéaux qui cimentent le rêve américain.

De Stephen Markley, éditions Albin Michel, traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé, 560 pages.

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