Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

OLIVIER DEPREZ EST AU CENTRE DES DEUX EXPOSITIONS QUI RAPPELLENT L’INTEMPORELLE PERTINENCE DE LA GRAVURE SUR BOIS.

The Fair

OLIVIER DEPREZ, MILES O’SHEA ET ADOLPHO AVRIL, CENTRE DE LA GRAVURE ET DE L’IMAGE IMPRIMÉE, 10, RUE DES AMOURS, À 7100 LA LOUVIÈRE. JUSQU’AU 18/05.

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C’est en étudiant la bande dessinée à Saint-Luc qu’Olivier Deprez (Binche, 1966) rencontre Thierry Van Hasselt, Vincent Fortemps et Jean-Christophe Long. Ensemble, avec un cinquième mousquetaire en la personne de Denis Deprez, ils vont imaginer le collectif Frigo Production qui donnera naissance à FRMK -prononcez « Frémok »-, à la suite d’une fusion avec Amok, un éditeur français. FRMK est un bel exemple de maison d’édition dont le propos d’avant-garde et de recherche formelle ne s’est pas laissé dénaturer par la sauvagerie mercantile et nombriliste du marché du livre. Dès le départ, il a été question de faire exploser les cadres serrés de la bande dessinée et d’offrir une plateforme à d’autres sortes de récits. Ainsi du travail essentiel et révélateur d’un Michaël Matthys dont le très graphique Moloch a fait surgir d’une façon unique le feu et l’acier de Cockerill-Sambre. Avoir participé à l’élaboration d’une telle zone franche de créativité ayant contribué au renouvellement des formes artistiques n’est pas le seul galon à orner le plastron de Deprez: l’homme est également graveur, dessinateur, théoricien, écrivain, peintre et, c’est le genre de détail qui plaît, grand lecteur de Proust, Dante ou Joyce. Le cinéma de Buster Keaton et le théâtre de Samuel Beckett colonisent également son imaginaire. Un tel bagage ne peut que mener loin. Il en fournit une nouvelle preuve, le temps d’une exposition double au sein de laquelle se croisent deux démarches différentes et complémentaires.

La tentation du tandem

Chacun des deux projets exposés résulte d’une rencontre ayant débouché sur un travail en tandem. Black book black a été mené en compagnie de Miles O’Shea. Il s’articule autour de l’idée pertinente de lier, à l’heure du règne numérique, un mode de reproduction ancien -la gravure sur bois, genre dont les lettres de noblesse remontent à Dürer- à une pratique récente -du moins en tant que théorie- et éphémère: la performance. Pour ce faire, le duo d’artistes intervient dans des lieux comme des bibliothèques et y fabrique « page après page » un livre noir à la faveur d’une presse portable. L’ouvrage est ensuite laissé sur place, circulant d’un lecteur à l’autre. Comme l’explique Deprez: « L’objet du livre noir est de magnifier le noir, d’en faire une valeur créatrice de premier plan, et à un autre degré, c’est une façon de montrer qu’à partir d’un élément très homogène et très simple, on peut développer un ensemble complexe et hétéroclite. » Impossible de ne pas y percevoir un écho, transposé dans un autre champ, aux pratiques labellisées Oulipo, s’épanouissant sous la contrainte. Après la mort, après la vie, quant à lui, est né d’un travail à quatre mains avec Adolpho Avril, graveur-portraitiste et par ailleurs résident de l’hôpital psychiatrique de Lierneux. Sur la base d’une étrange histoire -celle d’un docteur et d’un infirmier se cherchant dans une ancienne caserne-, Deprez et Avril amènent le cinéma du côté du toucher par le biais de la gravure. Au figuré certes… mais également au propre dans la mesure où le projet a débouché sur un film d’animation. Le tout dans le but de « créer une nouvelle sensibilité visuelle et tactile, cherchant à dépasser l’opposition trop restrictive entre fixité et mouvement, gravure et cinéma« .

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MICHEL VERLINDEN

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