Nos jours peureux

Envahi de meutes spectaculaires d’infectés, Days Gone s’englue dans un récit veiné de clichés. un pur objet ludique orthodoxe, mais furieusement efficace.

L’adaptation ciselée du Walking Dead d’AMC par Telltale Games et le thème de la paternité creusé par TheLast of Us de Sony ont élevé le jeu vidéo. Soulignant habillement la lente déliquescence morale d’une humanité aux abois, ces succès commerciaux infectés de morts-vivants illustraient une certaine maturité de l’industrie gaming. Days Gone sape littéralement ce travail. Traversé de répliques plus proches de Walker, Texas Rangers que de Sons of Anarchy, ce monde ouvert se vit ainsi comme une série B où les machettes dansent et les têtes volent, sans réfléchir. Une régression étonnamment doublée d’un vrai magnétisme ludique.

« Salauds de Rippers! », braille Boozer. Brûlé au chalumeau par une secte vénérant les infectés de Days Gone, le frère motard de Deacon (incarné par le joueur) mérite une place dans un top 10 de Nanarland.com. Un grand départ vers le nord retardé, une petite amie présumée morte, un complot gouvernemental à grande échelle… Les premières heures de cet open world perché sur les cimes de l’Oregon croulent sous les clichés. Au-delà de ses flash-back mielleux et de ses brutes aux sentiments maladroits (et attendus), des éclaircies ludiques pointent, étonnamment.

Vétéran du jeu vidéo qui jetait les codes des Third Person Shooter modernes avec Syphon Filter, Bend Studio déploie un sérieux talent d’alchimiste sur Days Gone. Attendre qu’une poignée de marcheurs se regroupent pour les enflammer d’un seul cocktail Molotov, ou se hisser sur le toit d’un camion pour les attirer et ainsi les affronter plus facilement en file indienne: la dynamique et la souplesse des combats rapprochés (et à distance) réjouissent face à des infestés cannibales rapides et imprévisibles.

Nos jours peureux

Petits morts entre amis

Days Gone illustre pourtant la non prise de risque pétrifiant la créativité des jeux vidéo à gros budget. L’open world picore à tous les râteliers. Observer les camps humains adverses avant de les attaquer et suivre des pistes dans la nature (grâce à une vision spéciale) évoque respectivement Far Cry 3 et The Witcher 3. Le périple qui remplace les chevaux de Red Dead Redemption 2 par des motos convoque bien entendu la saga des GTA via une carte parsemée de missions principales et secondaires. Sa grammaire archi classique oscille entre arbre de compétences et bricolage de pièces détachées dénichées dans des carcasses de voitures et autres bâtiments abandonnés.

Coiffé d’une difficulté offrant une résistance engageante, Days Gone rythme l’exploration de ses prairies alpines et autres zones forestières par des pleins d’essence d’une bécane, en rade, tous les cinq kilomètres. Le gimmick force à dénicher des jerricans planqués, à repérer des stations d’essence sans vrai plaisir ludique. Poser le pied à terre et couper le moteur de ses deux roues pour cueillir une plante médicinale peuvent en outre conduire à la mort tant les adversaires pullulent. Tout le temps. Partout. Très vite, des hordes spectaculaires de centaines de mutants (animés en temps réel) se joignent aux débats. Une vraie frousse s’ensuit puis un sentiment: le gaming ne doit pas forcément être intello pour briller.

Days Gone

Édité par Sony CE et développé par Bend Studio, âge: 18+, disponible sur PlayStation 4.

8

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