A la fois couleur, structure et icône, le noir traverse l’histoire de l’homme et des arts. A Mons, l’exposition Manières noires dessine en creux le portrait de ce sombre héros.

Pour faire allusion à Jacques Tardi -dont le travail orne les murs de Manières noires- mais aussi à Louis-Ferdinand Céline, on dira que la nouvelle exposition du Musée des Beaux-arts de Mons (BAM) est un fameux Casse-pipe dont les commissaires se sont tirés avec brio. Notion vague propice à un événement fourre-tout, cette thématique aurait pu déboucher sur un contenu aussi pâle que fade.

Opaque mais pas incohérent

L’exigence du travail curatorial de Manières noires signe un parcours d’une grande cohérence à travers l’art contemporain, la photographie, le de-sign, la mode, la bande dessinée… Commissaire général de l’exposition, Raphaël Pirenne explique quelle a été la façon de procéder.  » Nous avons d’abord travaillé sur une liste d’artistes en sachant que pour des raisons d’économie de moyens nous ne pouvions pas faire venir des pièces des Etats-Unis, une contrainte qui s’est révélée bénéfique. Au fur et à mesure de la recherche, des thèmes se sont dessinés à l’intérieur de la problématique générale. Dans le parcours de l’exposition, nous avons voulu procéder par étapes successives. Les thématiques viennent s’y décliner les unes après les autres et, à chaque fois, épaissir l’idée de noirceur.  »

L’exposition dessine un parcours sur 2 niveaux. On traverse des zones d’£uvres et d’objets d’une grande pertinence. Raphaël Pirenne met à jour l’intention très construite derrière le tracé.  » On part d’une approche formelle avec notamment une toile de Richard Serra et une sculpture de Tony Smith, des £uvres qui dialoguent avec l’espace, pour passer progressivement à l’aspect graphique de la question, comme on la trouve traitée par Michaux -le signe qui devient tache- et chez Marcel Broodthaers -où le texte original se fait image. En guise de dernière étape, Manières noires examine la question d’un rapport symbolique au noir. C’est clair dans la série d’images de Günter Brus dans laquelle il se sert du noir pour questionner son identité. L’artiste se scinde en accumulant une série de lignes noires sur son visage. C’est aussi le cas avec Les Concessions de Christian Boltanski où le noir vient interroger notre rapport à l’image. Il s’agit de photographies très dures extraites d’un magazine à sensations espagnol qui sont masquées par autant de voiles noirs se soulevant sous l’action d’un ventilateur. »

Pour passer d’un niveau à l’autre, on emprunte un passage dont le sol est recouvert de citations. On y apprend que pour Richard Serra, le noir sert à marquer des surfaces sans créer de significations associées, tandis que Tardi, encore lui, assure qu’avec le noir il n’y a pas de trahison. Est-ce pour autant que tout est lumineux? Non, on ne vient pas aussi facilement à bout de la dark side. The Book of 33 Secrets, une £uvre de James Lee Byars, en est la preuve éclatante. Celle-ci consiste en plusieurs livres noirs superposés les uns sur les autres à l’intérieur d’une vitrine. Chacun des livres est fermé et lié aux autres, oblitérant le contenu à jamais au spectateur. Le tout pour une démarche hermétique sur laquelle se heurtent voyeurisme et conjectures.  » On ne peut pas avoir la clarté sur tout« , conclut Pirenne. l

Manières noires, BAM, 8, rue Neuve, à 7000 Mons. www.bam.mons.be Jusqu’au 13/02/2011.

Le BAM déshabille le noir. On en profite pour le mettre à toutes les sauces sur 8 pages. Attention les yeux!

Texte Michel Verlinden

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