Myriam Leroy
Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

22.00 LA UNE

DE LAURENCE SERFATY.

La scène est tirée de la nouvelle sitcom du réseau ABC Modern Family. Un couple est au temple de la consommation Wal-Mart pour se faire une réserve de couches pour bébé, et en ressort avec une déchiqueteuse à papier (qui fait des confettis, ‘ttention), des magnums de cornichons et… un cercueil. Voilà qui illustre combien le consommateur est moins rationnel qu’émotionnel. Or, l’émotion fut longtemps négligée par les publicitaires, puisqu’elle n’était pas mesurable. C’est ici qu’entre en piste le neuromarketing, soit l’application des enseignements de la recherche sur le fonctionnement cérébral au marketing et à la communication. L’ancien PDG de TF1 Patrick Le Lay y faisait implicitement référence lorsqu’il déclarait, à propos du cerveau: « Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible: c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » Seulement, les choses sont un tout petit peu plus compliquées que ça: l’esprit peut être disponible et ne pas imprimer le message.

MEUBLES MAILLEUX

Ce documentaire signé Laurence Serfaty explore les enjeux commerciaux et éthiques des neurosciences. Parmi ses interlocuteurs, le Dr Pradeep, patron de Neurofocus, la plus importante entreprise de recherche en neuromarketing au monde. « Aujourd’hui, tout le monde se sent pauvre, même Bill Gates. Les gens font attention à ce qu’ils dépensent », dit-il. « C’est pourquoi un marketeur doit travailler dur pour nous convaincre que ce qu’il nous vend mérite notre argent, le temps qu’on y passe et l’attention qu’on lui accorde. » Un job plus difficile qu’il n’y paraît, quand on sait que de 80 à 90 % des produits mis sur le marché échouent au cours de leur première année d’existence, et ce malgré les études préalables à leur lancement. Pour résumer, on peut donc dire qu’il y a un décalage entre ce que les gens disent et ce qu’ils font, que l’émotion peut pousser à l’achat mais aussi provoquer un rejet si elle est trop importante, que la pub qui laisse des traces dans nos mémoires ne suscite pas la même activité cérébrale que celle qu’on oublie, qu’on se souvient toutefois tous de très mauvaises pubs (ce n’est pas Robert Mailleux qui nous contredira…), que le sexe – à la fois banalisé et trop envahissant pour le cerveau – n’aide pas à vendre, et que l’environnement de programmation d’un message est important. Inutile de paniquer tout de suite: l’esprit humain n’est pas tout à fait décrypté et n’est donc pas manipulable à l’envi par les marchands de tapis. Pas encore?

Myriam Leroy

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