L’adaptation de romans en BD est toujours un truc casse-gueule. La pression est à son comble quand un maître comme Tardi est passé avant vous et qu’il a réussi avec brio. Pour cette nouvelle adaptation du géant du polar français qu’est Jean-Patrick Manchette, Max Cabanes, aux manettes, semble avoir trouvé sa vitesse de croisière: fluidité de l’action, équilibre parfait entre récitatif et dessin, maîtrise totale des personnages. Nous sommes à la fin des Trente Glorieuses -le roman date de 1972- et la gauche engagée et idéaliste fait face à une droite nostalgique de l’Algérie française. À ma gauche, un groupuscule nommé NADA comprenant un Catalan dont le père est mort sous les balles franquistes en 1937, un jeune noblion imbibé en rupture avec sa famille, un expert vieillissant ancien barbouze qui ne sait plus très bien ce qu’il fait là, une prostituée autoproclamée qui a des lettres, un jeune garçon de café exalté et un prof de philo désabusé. Ils projettent d’enlever l’ambassadeur des États-Unis à Paris. À ma droite, le ministre de l’Intérieur, son chef de cabinet hautain et méprisant ainsi que le commissaire chargé de l’enquête. Un violent celui-là, qui n’hésite pas à dépasser les limites pour arriver à ses fins: écraser du rouge. On suit dans un premier temps les préparatifs de l’enlèvement jusqu’au repli dans la planque. Ensuite, la machine répressive se met en route et ce qui avait déjà mal commencé part en couille… L’auteur convoque Melville, Verneuil, Boisset… pour le cinéma, mais également la politique post-soixante-huitarde où l’opinion publique est encore traumatisée par les récentes manifs ouvrières et estudiantines. Si le coeur des auteurs bat pour les ravisseurs, ils n’en sont pas moins sans pitié pour eux, entraînant l’ensemble des protagonistes dans une spirale de violence aveugle.

Nada

De Max Cabanes et Doug Headline d’après Jean-Patrick Manchette, éditions Dupuis, 188 pages.

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