PARALLÈLEMENT À LA SORTIE DE THE AMAZING SPIDER-MAN 2, LE MUSÉE DE L’ART LUDIQUE, À PARIS, ACCUEILLE UNE LARGE EXPOSITION CONSACRÉE À L’ART DES SUPER-HÉROS MARVEL, TENTATIVE DE DÉCRYPTER LE PHÉNOMÈNE.

 » J’ai vu des statues de Jupiter, Apollon, Samson, dans différents musées. Alors je crois qu’il est bien possible qu’un jour nos super-héros figurent dans les musées. Cela me ferait un plaisir immense. J’espère que cela arrivera assez tôt pour que je puisse y assister. » Formulé début 2013 par Stan Lee, le père de nombre de personnages maison, le souhait n’aura pas tardé à être exaucé, le Musée de l’Art Ludique, à Paris, accueillant jusque fin août une exposition-événement entièrement dévolue à la galaxie Marvel. Manière aussi de consacrer, incidemment, la place occupée désormais par les super-héros de comics dans la culture populaire. Et actée par la tendance lourde des Iron Man, X-Men, Thor, Avengers, Spider-Man et consorts à sortir du cadre étroit des planches de BD pour envahir les écrans de cinéma du monde entier, devenus le théâtre privilégié de leurs évolutions; jusqu’à des réalisateurs aussi prestigieux que Ang Lee ou Christopher Nolan qui se sont frottés qui à Hulk, qui à Batman.

Vade-mecum exhaustif

Du reste, et puisqu’il faudrait s’être retiré sur Krypton (1) pour ignorer qu’il a repris du service récemment dans The Winter Soldier, c’est sur un large chapitre consacré à Captain America que s’ouvre l’exposition. L’accrochage est rien moins qu’impressionnant, qui propose de nombreuses planches originales, couvertures, dessins, croquis, peintures soulignant l’évolution d’un personnage créé en 1940 par Joe Simon et Jack Kirby pour Timely Comics, l’ancêtre de Marvel. Et auxquels se sont attelés divers auteurs au fil de son existence tumultueuse, chacun, de John Romita à Ryan Meinerding, apposant sa griffe à son univers. L’un des intérêts de la scénographie, qui inclut encore divers objets et accessoires -ainsi de la moto de l’Hydre ou du bouclier de Captain America-, est assurément de s’adresser aussi bien aux geeks (il y en a pour des heures à décrypter les trésors déployés pour la circonstance, et l’on pourrait presque dire de l’expo qu’elle s’écoute autant qu’elle se regarde) qu’aux profanes, qui trouveront là un vade-mecum exhaustif de Marvel.

Alignant fort logiquement les figures de super-héros, le tour du propriétaire les regroupe aussi par catégories. Ainsi des « équipes Marvel », familles réunissant plusieurs d’entre eux en un assemblage hétéroclite. Soit, dans l’ordre chronologique de leur apparition dans les publications de celle que l’on a aussi surnommée « La maison des idées », les Quatre Fantastiques, imaginés par Stan Lee et Jack Kirby, en 1961, que suivront, deux ans plus tard, les Avengers et les X-Men. Autre catégorie, les héros urbains, au premier rang desquels Spider-Man, figure altruiste née du crayon de Steve Ditko et de l’imagination de Lee, encore, animé, expliquait-il, par le souci de s’inspirer du quotidien des teenagers américains pour créer un personnage à « la vie personnelle aussi riche que sa vie héroïque« , tout en l’ancrant dans la réalité new-yorkaise -qualité d’ailleurs toujours à l’oeuvre dans le nouveau volet cinématographique de ses aventures. A ses côtés, Daredevil, l’homme sans peur de Hell’s Kitchen, ou encore Doctor Strange, alias le sorcier suprême, tentant d’empêcher les forces occultes d’envahir notre monde. Enfin, les Galactiques -le Surfeur d’argent, Thanos…- complètent cette galerie. Ici encore, planches originales, peintures, dessins de concepts… contribuent à une vision panoramique des personnages et de leur univers, et à leur évolution dans le temps, chacun étant par ailleurs l’objet d’une notice biographique, au même titre que les artistes et créateurs ayant su magistralement les mettre en formes, de Jack Kirby, le « King of Comics », à Don Heck, co-créateur de Iron Man, et l’on en passe.

Super-héros pour temps de crise

Mais si le parcours en jette incontestablement, l’intérêt de l’exposition tient aussi dans sa volonté d’inscrire les super-héros dans une perspective plus vaste, une mise en contexte nourrie, en cours de visite, des commentaires vidéo de divers intervenants, Stan Lee, bien sûr, mais encore les dessinateurs Joann Sfar et Zep, ou le philosophe Ollivier Pourriol. Héritée notamment, dixit Lee, des Chevaliers de la Table Ronde, la geste des super-héros épouse alors les contours de l’Histoire, pour s’inscrire de manière privilégiée dans les périodes troubles: les années 30 et 40 qui allaient correspondre à leur premier âge d’or; les sixties avec la Guerre froide et la peur nucléaire. Et, enfin, l’époque contemporaine, avec ses incertitudes et ses peurs diffuses, où le cinéma, avec toute la force de frappe des studios hollywoodiens, s’est fait la vitrine privilégiée des héros de papier. La dernière salle est ainsi consacrée aux peintures de pré-production des films réalisées par Adi Granov, Charlie Weng ou Ryan Meinerding. Car si les super-héros sont, dans leur univers symbolique, les dépositaires d’un pan de notre mythologie contemporaine, ils ont aussi le pouvoir, ô combien plus prosaïque, d’exploser le box-office…

(1) PLANÈTE DONT EST ORIGINAIRE SUPERMAN, STAR, AU MÊME TITRE QUE BATMAN, DE DC COMICS, MAISON D’ÉDITION CONCURRENTE DE MARVEL.

L’ART DES SUPER-HÉROS MARVEL, JUSQU’AU 31 AOÛT AU MUSÉE DE L’ART LUDIQUE, PARIS. WWW.ARTLUDIQUE.COM

TEXTE Jean-François Pluijgers, À Paris

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