Mode O’Day

Cela faisait longtemps que les éditions Cornélius ne nous avaient plus donné de nouvelles du plus acariâtre des dessinateurs de BD. Voilà enfin Robert Crumb de retour dans ses plus beaux atours avec un personnage peut-être moins connu de la pléthorique production du maître de l’underground américain: Mode O’Day. Finis les hippies paumés et autres gourous illuminés: nous voilà plongés dans le yuppisme des années 80. Arriviste, opportuniste, la petite provinciale rêve de devenir top model à New York. Elle est prête à tout pour évoluer dans les hautes sphères de la mode et des galeries d’art contemporain. Quitte à renier son vieux pote Doggo le roi de la lose avec ses vieilles frusques trouées et sa tête de chien errant. Porpy le marsouin, ami de Doggo et geek informatique, n’a pas plus de chance d’attirer le regard de la belle. Autre décennie, mêmes préoccupations. Robert Crumb concentre ici tout ce qui l’a toujours fait vomir. Le temps passe et l’Amérique rurale qu’il chérit tant disparaît de plus en plus, laissant place à une course effrénée vers la modernisation à outrance. Les trois protagonistes sont la personnification négative de cette période reaganienne, quittant la béatitude naïve des années 70 pour se jeter dans l’ultralibéralisme. Doggo représente la majorité silencieuse acceptant son destin, de temps à autre secouée d’un soubresaut de conscience anarchiste. Porpy est aveuglé par les lumières de la réussite et pense encore naïvement pouvoir faire partie de l’élite ou du moins s’en approcher, se laissant manipuler sans vergogne. Enfin, Mode O’Day, aidée par son physique avantageux -mais éloigné des canons de l’auteur-, évolue dans le paraître en donnant le change aux happy fews qu’elle côtoie. Dédaignées à leur sortie, les mésaventures de Mode préfigurent pourtant les années Trump et la loi du paraître.

Mode O'Day

De Robert Crumb, éditions Cornélius, 66 pages.

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