Mirages de la vie

RESSORTIE DE TROIS CLASSIQUES DE DOUGLAS SIRK. DEUX MÉLODRAMES COMME LUI SEUL SAVAIT LES TRANSCENDER, ET L’UNE DE SES RARES INCURSIONS DANS LE CINÉMA D’AVENTURES.

Le Secret magnifique (Magnificient Obsession)

DE DOUGLAS SIRK. AVEC ROCK HUDSON, JANE WYMAN, AGNES MOOREHEAD. 1H43. 1954. DIST: ELEPHANT.

8

Les Amants de Salzbourg (Interlude)

DE DOUGLAS SIRK. AVEC JUNE ALLYSON, ROSSANO BRAZZI, MARIANNE KOCH. 1H30. 1957. DIST: ELEPHANT.

7

Capitaine Mystère (Captain Lightfoot)

DE DOUGLAS SIRK. AVEC ROCK HUDSON, BARBARA RUSH, JEFF MORROW. 1H32. 1955. DIST: ELEPHANT.

6

« Trois chefs-d’oeuvre, trois Douglas Sirk! », annonce Jean-Pierre Dionnet dans son style inimitable en prologue aux films du cinéaste américain que réédite aujourd’hui Elephant. Si le trait peut sembler quelque peu forcé en l’occurrence, c’est néanmoins toujours avec le même bonheur que l’on replonge dans l’oeuvre de Douglas Sirk, ses mélodrames en particulier, un genre qu’il s’est employé à transcender dans ses classiques des années 50. Ainsi de Magnificent Obsession (Le Secret magnifique), remake daté de 1954 de l’oeuvre éponyme de John Stahl, et le film annonçant les chefs-d’oeuvre à venir comme Written on the Wind ou Imitation of Life. Dionnet, toujours, parle dans sa présentation d’une « aberration scénaristique ». On ne peut pas entièrement lui donner tort à redécouvrir cette histoire dépassant quelque peu l’entendement en effet. Ayant indirectement provoqué la mort d’un médecin unanimement apprécié, Bob Merrick, un milliardaire arrogant, va tenter de se racheter en se rapprochant de sa veuve, Helen, qu’un accident rend bientôt aveugle… S’il y a là, en première lecture, une parabole christique poussive, Sirk la transcende néanmoins par le lyrisme et la finesse de sa mise en scène, et le film libère une émotion profonde, incarnée en nuances diverses par Rock Hudson et Jane Wyman, et encore sublimée par le Technicolor.

Tourné trois ans plus tard, Interlude occupe une place particulière dans la filmographie de Sirk, puisque le réalisateur y retrouvait l’Allemagne, sur les traces d’une jeune Américaine débarquée à Munich à la poursuite de chimères, pour y tomber amoureuse d’un chef d’orchestre confronté à la folie de sa femme, en un singulier caprice du destin. Soit, inscrite dans une Allemagne éternelle, une oeuvre frappée du sceau du romantisme et portée par un lyrisme délicat, même si l’on a déjà connu distribution plus harmonieuse.

Enfin, Capitaine Mystère (Captain Lightfoot en vo) constitue, aux côtés de Taza, fils de Cochise notamment, l’une des incursions de Sirk dans le domaine du film d’aventures. L’histoire a pour cadre la verte Irlande au XIXe siècle, et pour héros Michael Martin, solide gaillard engagé aux côtés du capitaine Thunderbolt dans la lutte pour l’indépendance et une série d’aventures rocambolesques. La matrice d’un film à l’humeur aussi allègre qu’un brin désuète, où brillent un virevoltant Rock Hudson ainsi que Barbara Rush. Pour l’anecdote, on précisera que cette même histoire de Thunderbolt et Lightfoot a lointainement inspiré Michael Cimino pour son premier film (Le Canardeur en vf), où il associait Clint Eastwood à Jeff Bridges…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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