Minuit vingt

En 2014 -année de la réélection de Dilma Rousseff-, dans un Brésil (déjà) crépusculaire écrasé de chaleur et de grogne sociale, trois vieilles connaissances éparpillées dans des vies disparates autant qu’inaccomplies se retrouvent aux funérailles d’un quatrième, écrivain génial abattu en pleine rue pour une consternante histoire de vol de portable. De Porto Alegre à São Paulo, ce groupe d’anciens amis se distribue équitablement la parole pour évoquer l’époque où ils étaient soudés, quinze ans auparavant, autour d’une foisonnante revue numérique, de fêtes orgiaques et de performances artistiques inégalement subtiles; l’époque, surtout, où la vigueur de leur jeunesse et la folle ambition de leurs rêves démesurés les rendaient invulnérables face à des angoisses d’apocalypse et la crainte absurde du bug de l’an 2000. En ces temps sacrés, tout contribuait à les convaincre qu’à l’avenir, d’une manière ou d’une autre, ils n’auraient qu’à tendre le bras pour prendre naturellement leur place dans un monde où le numérique couplé à une imagination débridée régneraient en maîtres. Quelques années plus tard, pourtant, Aurora, Antero et Emiliano semblent n’avoir plus que leurs yeux pour pleurer la mort d’un ami/mentor qui donnait sens à leurs tâtonnements existentiels ou professionnels, et le naufrage de leurs rêves de grandeur à l’heure où tous s’accordent à penser qu’un compte à rebours définitif s’est enclenché pour la planète. Ébouriffant roman qui pour une fois n’usurpe pas le qualificatif de « générationnel », ce livre épate tant par la justesse du fond que par la virtuosité du texte.

de Daniel Galera, ÉDITIONS Albin Michel, traduit de l’espagnol (Brésil) par Régis de Sá Moreira, 262 pages.

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