Depuis qu’on l’a découvert, âgé de dix ans à peine, dans La Ville des pirates, le premier de ses nombreux films devant la caméra du réalisateur chilien Raoul Ruiz, la carrière de Melvil Poupaud a suivi un cours sinueux l’ayant conduit de Jacques Doillon à éric Rohmer, de Noémie Lvovsky à Xavier Dolan, et l’on en passe, jusqu’à croiser la route des frères Wachowski ou d’Angelina Jolie. Une filmographie kaléidoscopique où François Ozon occupe une place singulière, acteur et réalisateur en étant à leur troisième collaboration avec Grâce à Dieu, quatorze ans après Le Temps qui reste, cinq de moins depuis Le Refuge. « On s’entend bien, on est de la même génération, on a vu les mêmes films, il a vu les miens depuis que je suis petit, il aimait beaucoup Rohmer, commence l’acteur. Et puis, cela va vite entre nous, on a le même rythme, il me connaît bien et moi aussi. François peut être très sec sur un tournage: comme il a toujours un temps d’avance sur le reste de l’équipe, parfois, il peut s’énerver. Donc, il faut garder son calme, et être prêt. »

Un « bourgeois catho tradi »

Ce n’est bien sûr pas un détail dans le contexte du film: Melvil Poupaud est croyant, et c’est même l’une des raisons qui ont incité François Ozon à lui confier le rôle d’Alexandre, victime d’un prêtre pédophile qui va se lancer dans un long combat contre le silence de l’Église (débouchant dans les faits sur ce qui est devenu l’affaire Preynat). « Je suis croyant, c’est vrai, mais je n’ai pas d’Église, je ne suis pas baptisé, je ne me sens pas catholique ni orthodoxe, ni rien. Je fais mon chemin tout seul dans mon coin. François m’a parlé de cette histoire que je n’avais pas trop suivie dans les médias, parce que les affaires de pédophilie m’angoissent. J’ai senti qu’il avait fait tout un travail préliminaire de documentation, et j’ai tout de suite adhéré au scénario, parce qu’il parlait de l’enfance, de la foi; je me suis reconnu non pas dans le personnage, mais dans les questionnements du film. Et j’ai trouvé beau, pour un mec comme moi qui croit sans être dans l’Église, que le film ne dénonce pas, ne soit pas antichrétien ni même anticuré. Grâce à Dieu ne peut pas choquer des gens qui ont la foi, il est très respectueux à ce niveau-là. »

Alexandre, l’homme qu’il interprète, l’acteur a choisi de ne le rencontrer qu’une fois le tournage terminé, après une première projection du film. « Je n’aime pas marcher dans les pas d’un autre, ni imiter, je ne fais pas de biopics. Je n’avais pas envie de jouer avec le vrai Alexandre en tête, mais de faire un personnage que l’on a finalement peu vu au cinéma, le bourgeois catho tradi, avec sa veste Barbour, le pull sur les épaules, le côté presque caricatural de ces gens que l’on connaît tous et qui sont toujours dépeints comme des réactionnaires coincés. S’il y a de cela en lui, on se rend compte que c’est surtout quelqu’un de courageux, qui fait un trajet et essaie de faire changer les choses, pour se révéler un peu héroïque, au-delà des barrières et des préjugés. » De fait, s’agissant aussi d’un film sur le rapport à la foi, Grâce à Dieu bouscule certitudes et idées toutes faites, pas la moindre de ses qualités assurément, pour se ponctuer sur une question, « est-ce que tu crois toujours en Dieu? », et la laisser suspendue, jusqu’au vertige…

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