Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Chargée d’une psyché haïtienne et d’études en sociologie, elle débarque à paris pour faire de la musique pro. Son deuxième album confirme la bonne décision.

Sur Dying Is a Wild Night passent des ombres de Feist, des rythmiques mouvantes et de bonnes chansons au destin radiophonique (Dew Breaker).La douceur mélodique y prend un tour funambule, comme si elle équilibrait plusieurs mondes d’une belle voix folk-soul signifiante. « Mon deuxième album traite de la question des races et aussi de mon expérience en France, où je suis installée depuis trois ans. Pour mes parents qui ont tout fait pour que l’on reste au Canada -le pays où ils se sont réfugiés en 1965 en fuyant la dictature d’Haïti-, mon départ a donc été vécu comme un demi-échec ». D’autres ombres surgiront un peu plus tard dans la conversation menée avec cette fille black et gironde, née en janvier 1985 à Montréal. Mais d’abord les faits: débusquée sur MySpace par le label parisien No Format, Melissa vient tâter une première fois de l’Hexagone à l’été 2007. « Ils m’ont fait jouer dix concerts en quatorze jours. Sans eux, je ne serais jamais venue en France, même si je tournais un peu en rond au Canada.  » La Francophone haïtienne suit des cours à la bilingue Université d’Ottawa -sociologie, éthique et société- et s’essaie à la musique. « Au début à Paris, je me retrouvais dans les fêtes et je ne faisais pas les bonnes blagues. Clash culturel garanti. Au Canada, j’avais des amis iraniens, italiens, palestiniens; ici la multiculturalité est moins évidente. On te rappelle continuellement ton accent. »

Hors catégorie

D’emblée, avec son premier disque paru en 2006 et réédité fin 2008 par No Format (Camphor & Copper),Melissa s’avère hors catégorie, en tout cas pas dans la tranche des « filles black à bonnet »: « Je ne suis pas Ayo bis, donc d’une certaine manière, je me retrouve marginalisée parce que je ne ressemble ni à une chanteuse française, ni à une présentatrice de télévision. Je n’ai pas d’archétype à suivre, ce qui est génial… » Pourtant, le disque ne rigole pas intégralement: Pretty Girls évoque « l’automutilation et aussi mon appartenance au monde de la musique (sic) » et plusieurs titres scannent la douleur des ruptures. « Rupture d’une histoire d’amour mais aussi rupture avec ma famille. Je n’ai pas de nouvelles de ma soeur et n’ai pas vu mon père depuis des années ». Melissa en parle librement donc on peut l’écrire: son homosexualité a choqué certains proches, même « si personne ne fait remarquer à Camille son hétéro-sexualité et que je ne chante aucun militantisme ». L’album transporte ses coins de cafard mais quand il groove, il le fait à l’anglo-saxonne, quitte à tenter une pointe de vintage synthétique (Sweet Wood). Pour Melissa, pas de doute: créolisation, négritude, vécu nord-américain, exil français, questionnement sexuel sont les recettes d’un destin involontaire et rebondi. Tout cela faisant de la très bonne musique. Merci donc au bordel de la vie, qui ferait bien de la faire jouer en Belgique. l

Dying Is a Wild Night chez No Format/Pias le 15 avril.

Philippe Cornet

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