SUR LA VOIE DE LA GUÉRISON, L’UNIVERS POST- APOCALYPTIQUE 50’S DE FALLOUT 4 IRRADIE LE PETIT MONDE DES JEUX DE RÔLE SUR CONSOLES. LA FRESQUE N’ÉGALE HÉLAS PAS LA CLAQUE DE SON PRÉDÉCESSEUR.

Malgré des effets spéciaux spectaculaires et des xénomorphes suintant la peur, Aliens, le retour de James Cameron provoquait aussi l’effroi grâce à un rare sens de la suggestion. La découverte des vestiges d’une colonie spatiale humaine alimentait ainsi à bloc l’imagination du spectateur. S’il ne jouait pas dans le même registre gore et SF, une large part du pouvoir d’attraction de Fallout 3 s’appuyait également sur cette force évocatrice en 2008. Fallout 4 emprunte aussi ce chemin. La suite du monde ouvert et post-apocalyptique de Bethesda s’édente ainsi de ruines urbaines, industrielles et champêtres gorgées d’indices sur la vie d’avant. Soit une délicieuse uchronie, vision d’un futur suranné ressemblant aux prédictions de Popular Science dans les années 50. Le tout irradié par un champignon atomique aussi dévastateur que le récent succès du jeu.

Sortie événement de cette fin d’année, Fallout 4 engrangeait 750 millions de dollars de revenus en à peine un jour de vente, le 10 novembre dernier. Le jeu de rôle à la une de tous les médias gaming dépassait ainsi Call of Duty: Black Ops 3 qui décrochait, peu avant, 550 millions de dollars en trois jours. La performance est symbolique. Réjouissante, elle prouve qu’un first person shooter ne doit pas forcément être bas du front pour vendre. Originaire du Maryland, Bethesda peaufine ici une approche ludique qui avait sérieusement renouvelé les jeux de rôle sur Fallout 3. Face à un pillard ou à un mutant, le jeu de tir en vue subjective proposait ainsi de figer temporairement l’action pour sélectionner quel membre viser. Une foule de paramètres (arme, distance, angle…) dictaient alors l’impact des dégâts infligés. Et on flottait dans un état de grâce rare, entre action pure et stratégie.

Inspiré du précurseur Vagrant Story de Square, ce tour de passe-passe baptisé V.A.T.S. se bonifie sur Fallout 4. Mais il ne pousse pas à plonger de l’autre côté du miroir lors de ses premières heures de gameplay. « War never changes », scande l’intro. Medal of Honor semble s’adonner à de la philosophie de comptoir sur cette production gorgée d’optimisme US 60’s fané. Après avoir personnalisé son héro(ïne), la déception s’ancre. La réalisation visuelle des premiers personnages secondaires croisés a comme été coulée dans un moule à Sims des années 90. Armé d’un charisme de nouille, le premier groupe de survivants croisé compte d’ailleurs une voyante dont l’accent slave est digne d’une série B. Après une cryogénisation de 200 ans dans un abri antiatomique, le gamer veut venger le meurtre de son épouse et retrouver son fils kidnappé. Cliché. Et si on retournait au frigo?

« Tu es spécial, ton fils est toujours en vie », braille la diseuse de bonne aventure Playmobil. Ourlé de bugs graphiques indignes, décevant dans ses dialogues à choix multiples et terrassé par des doublages français inégaux, le réveil de Fallout 4 est difficile. D’autant qu’il demande de sulfater un monstre géant dès sa première mission. Un poncif digne d’un FPS de consommation courante qu’efface heureusement l’exploration en profondeur du jeu monde.

Retour vers le futur

Sans vraie nouveauté dans sa structure, la production hyperatmosphérique accumule ainsi les missions annexes jusqu’à devenir un millefeuille criblé de points d’intérêt. On s’y perd avec bonheur. Inspiré du Massachusetts, le Commonwealth que l’on parcourt à pied se dresse comme un personnage à part entière. Sur le chemin d’une ville érigée dans l’enceinte d’un stade de base-ball, on traverse ainsi une plantation de légumes entretenus par des robots alignant phrasés précieux et répliques de femme fatale dignes d’un roman noir. On reconstruit mentalement le trafic disparu qu’évoquent des ponts d’autoroute éventrés, en équilibre précaire. L’agitation passée d’usines automobiles coiffées de bulbes grotesques résonne. Loin d’être visuellement éblouissant, Fallout 4 offre heureusement une météo dynamique zébrée d’orages électromagnétiques. Des rayons ensoleillés percent une brume ouatée. Fallout 4 a bien une gueule d’atmosphère.

Habité de robots inspirés de Forbidden Zone et Ghost in the Shell, le jeu se colore plus que les palettes grises et brunes de son prédécesseur. Les survivants marchent à nouveau vers la civilisation. Çà et là, des bourgades se reforment, on parle de voies commerciales. Des stations radio émettent à nouveau des émissions maladroites où les Andrews Sisters et Danny Kaye chantent le refus de la modernité avec humour sur Civilization (1947). Collant à merveille avec ce fragile retour à la vie, une des nouveautés ludiques du titre propose d’ailleurs de gérer plusieurs petites colonies de survivants. Soit une sorte de Sim City miniature en mode tower defenseoù l’on assemble et dispose des puits d’eau potable, générateurs d’électricité, tourelle d’autodéfense et autre mobilier de maison. Le tout via des matériaux trouvés dans les environs et en mission.

Proposant -dans le même état d’esprit DIY- des modifications d’armes poussées et des coéquipiers intelligents, Fallout 4 n’est finalement pas un mauvais bougre. Les affreux personnages de son intro font place à une journaliste en quête de vérité et à un détective privé synthétique qui cristallise une guerre naissante entre humains et robots humanoïdes. Une dizaine d’heures lui sont nécessaires pour démarrer. Et soulever un intérêt malheureusement loin d’être à la hauteur de The Witcher 3: Traque sauvage qui rafle ainsi sans trop de peine le titre de meilleur jeu de rôle de l’année.

FALLOUT 4, JEU DE RÔLE ÉDITÉ PAR BETHESDA SOFTWORKS ET DÉVELOPPÉ PAR BETHESDA GAME STUDIOS, ÂGE: 18+, DISPONIBLE SUR PC, PLAYSTATION 4 ET XBOX ONE.

7

TEXTE Michi-Hiro Tamaï

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content