Mangés par la terre

de Clotilde Escalle, Éditions du Sonneur, 200 pages.

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« Il n’y a rien ici qui fasse venir les touristes. » Copiteau est un patelin perdu, sans aucun attrait particulier, dont les habitants fonctionnent en vase clos jusqu’à l’hôpital psychiatrique, et où les seuls visiteurs de passage sont des brocanteurs à moitié demeurés. C’est un bled pourrissant sur pied, où végètent des gamins qui « ont des fusils et regardent la télé, c’est dire combien ils sont dangereux », des jeunes filles prêtes à se donner au premier venu en échange d’un aller sans retour pour une Amérique de cocagne, et des parents dépassés, dépressifs, systématiquement séparés ou mal mariés. Il y a du Ces gens-là de Brel dans ces histoires ternes et sordides de mous du bulbe empêtrés dans le piège des mots, auxquels l’auteure a pourtant choisi de donner la parole à tour de rôle, dans une langue brutalement poétique, glaçante d’élans contenus. Du benjamin idiot mais fou de poésie à ses deux frères aussi violents qu’inconséquents, des mères -larguées entre apathie et calculs sordides- au notaire du coin, coincé seul derrière un muret que ses concitoyens ont entrepris de démonter pierre par pierre, tout fleure ici l’oppression, le désespoir, l’impasse sinon l’implosion. Le texte est lumineux, pourtant, entre deux épisodes troublants en diable, qui disent tout, et en détail, du déclassement social.

F.P.

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