Malaterre

Pour certains baby boomers, Mai 68 ne fut synonyme que de liberté et prétexte à développer un égocentrisme latent, réduisant le reste de l’humanité à des pions nécessaires à satisfaire son propre dessein. Si, après des années à courir le monde et les femmes, Gabriel Lesaffre s’est décidé à se marier et faire des enfants, c’était pour mieux les quitter et repartir pour un tour de manège, espérant enfin décrocher la floche qui ne peut que lui être destinée. Non content de briser un ménage, il va le détruire en arrachant à leur mère deux des trois enfants, les emmenant avec lui dans sa cavale équatoriale. Là, dans un pays africain non identifié, il a racheté l’ancien domaine de son grand-père comprenant une superbe demeure coloniale, une gigantesque serre, une scierie et des kilomètres carrés de forêt vierge. Il compte bien faire fructifier le tout, mais de sombres magouilles en plans financiers foireux, il doit bien l’admettre, les caisses sont vides. Il passe ses journées et ses nuits à trouver des solutions pour attirer des investisseurs, ne se souvenant que de temps en temps de ses enfants restés dans la capitale. Ceux-ci, adolescents et tout heureux de cette liberté, font les quatre cents coups, oubliant peu à peu leur mère et leur petit frère qui vivent à Paris. Lesaffre est lâché par ses collaborateurs -esclaves- et finit par rencontrer l’homme qui pourrait enfin rendre le faste au domaine familial. Mais à quel prix? Pierre-Henri Gomont s’est inspiré de son propre vécu et de son père défaillant pour raconter cette belle et rude histoire qui résonnera certainement dans le chef de pas mal de lectrices et lecteurs. Elle décrit d’une manière très subtile -et sans l’édulcorer- le conflit s’insinuant chez les enfants, pris entre le désir de liberté adolescente, l’éloignement d’avec la mère et, malgré son indifférence… l’amour pour le père.

Malaterre

De Pierre-Henri Gomont, éditions Dargaud, 192 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content