FLANQUÉE DU GUITARISTE RYAN FRANCESCONI, ALELA DIANE, JEUNE MAMAN, SORT AVEC COLD MOON SON MEILLEUR ALBUM DEPUIS THE PIRATE’S GOSPEL.

Après avoir partagé un EP avec sa vieille copine Alina Hardin (Alela & Alina, 2009), collaboré avec son père et son ex-mari (Wild Divine, 2011), la douce folkeuse Alela Diane semble avoir trouvé en la personne de Ryan Francesconi un véritable alter ego. Inconnu du grand public, le guitariste de 41 ans est plutôt habitué aux compositions instrumentales et affectionne la musique des Balkans. Il est aussi assez proche d’une autre fée folk de Nevada City, la discrète Joanna Newsom, qu’il accompagne en tournée et dont il a arrangé l’album Have One On Me.

« La plupart des gens avec lesquels j’ai travaillé par le passé sont des autodidactes qui n’ont, comme moi, aucune connaissance académique de la musique. Je ne sais déjà pas la lire, avoue Alela dans le salon d’un petit hôtel parisien. Ryan a une manière différente d’être musicien. Un autre niveau, une autre approche. J’ai toujours aimé les gens avec lesquels je bossais mais on n’avait pas toujours le même mode de vie et c’était parfois difficile pour moi sur les routes. Mon père est un grand gamin: c’était ambiance picole et pétards. Des trucs dans lesquels moi je ne baigne pas. Je trouvais fatiguant cet environnement partout et tout le temps. » A ses côtés, Francesconi sourit: « A nous deux, on doit être tout juste capables de terminer une bière. »

En 2006, l’année où selon toute vraisemblance ils se rencontrent, Alela et Ryan figurent sur une même compilation: The Grass Roots Record Co. Family Album. Tous deux domiciliés à Portland, ils se croisent une ou deux fois l’an chez des amis communs (ils sont nombreux) ou, comme tous les musiciens, dans des festivals, bien loin de chez eux. L’année dernière, à un concert de leur pote Lindsay Clark, la jeune maman poule et le grand rouleur à vélo marié à une militante écologiste évoquent leurs situations artistiques respectives. « Je n’avais pas vraiment fait de musique depuis la naissance de Vera, explique Alela. Je n’en avais eu ni le temps ni l’espace… Parfois, je me sens un peu fainéante. Mais j’ai vraiment profité de ma vie de famille, de ma fille, de mon mari sans me préoccuper de créer ou pas. Je n’ai pas constamment l’impression de devoir bosser. Quand on s’est parlé avec Ryan, j’étais prête à créer de nouveau. Mais je sais quand j’ai un album en moi et là ce n’était pas le cas. »

« Moi, je venais de faire un break, raconte Francesconi. J’étais un peu en panne d’inspiration. C’était la première fois que je prenais congé de la musique depuis l’âge de onze ans. Que je laissais autant de temps sans en jouer. Pour être honnête, j’étais un peu désillusionné. Je me demandais si je devais continuer à en faire mon métier. Ma carrière a été rythmée par des hauts et des bas. Parfois tu es très occupé. Parfois pas du tout. A certains moments, tu gagnes bien ta vie et à d’autres ça devient compliqué. Là, je restais sur trois années particulièrement calmes. Je n’avais pas encore l’intention de m’y remettre mais l’idée de travailler avec Alela m’a permis d’approcher la musique différemment. »

Automnal et pastoral

Quelques jours après leur discussion, Francesconi propose à Alela de collaborer et lui envoie des chansons très abouties. Elle se creuse les méninges pour trouver les mots qui iront avec et surtout comment les chanter. Le bonhomme n’est pas un expert de la pop music. « Je ne connais plus rien après 1992 et les Smashing Pumpkins. Le moment où je suis entré à l’école de musique », plaisante-t-il avant de louer les « peaceful songs » de Jose Gonzalez et des Kings of Convenience.

« J’ai dû beaucoup écouter, reprend Diane. J’ai laissé la musique s’installer en moi. Je ne voulais pas ruiner ces morceaux aux jolies guitares. » « Pour moi, ils ne se suffisaient pas à eux-mêmes, précise son acolyte. Ils constituaient de jolies textures, de jolis mouvements de formes mais restaient incomplets. »

Ils se voient une fois par semaine. Chez lui. L’une des deux demi-journées de quatre heures pendant lesquelles Alela peut compter sur une baby-sitter. « Nous avons peu parlé des chansons. Pour moi, elles furent l’opportunité de sortir de mon style plus narratif. De mon côté autobiographique. About Farewell ressemblait quelque part à un journal intime. Très personnel. Ces titres me disaient de bien des façons que je devais opérer des changements dans ma vie. Ils m’ont permis d’avancer. Ceux-ci, dont beaucoup ont été écrits dans un coffee shop près de la maison, relèvent d’un autre processus où je sors de moi. Ils recouvrent différentes observations sur les cycles de la vie et de la nature. »

Avec ces huit ballades délicates, automnales et pastorales (dont les splendides The Sun Today, No Thought of Leaving, Cold Moon et Shapeless), Alela Diane brille à nouveau. Les soirées de Francesconi s’annoncent quant à elles chargées. Le duo ouvrira pour Joanna Newsom en décembre aux Etats-Unis. « On jouera deux fois chaque soir mais je suis contente. Je vais pouvoir me produire dans des salles auxquelles je n’ai pas accès d’habitude. Ma carrière n’a pas la même ampleur aux USA qu’en Europe. J’ai consacré beaucoup de temps et d’énergie à réussir par ici. Aux Etats-Unis, Pitchfork a le pouvoir de promotionner ses chouchous et d’ostraciser certains artistes. Il a une énorme influence sur ce qui est hype ou pas. Et s’il m’a toujours accordé de plutôt bonnes critiques, je n’ai jamais eu de label Best New Music ou d’honneurs du genre. Avec mes deux premiers albums, j’ai couru le pays mais j’ai toujours perdu de l’argent. Vous savez, c’est minant de rouler pendant neuf heures pour se produire devant 30 personnes. » Cold Moon n’en semble pas moins né sous un astre favorable.

COLD MOON, DISTRIBUÉ PAR PIAS.

LE 15/11 AU BOTANIQUE.

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RENCONTRE Julien Broquet, À Paris

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