DEPUIS 2001, LE FESTIVAL DE MARRAKECH S’EST ÉRIGÉ EN CARREFOUR DU 7E ART ET EN FENÊTRE SUR LE MONDE. OUVERTE, POUR CETTE TREIZIÈME ÉDITION, SUR LE CINÉMA NORDIQUE

De par ce festival, nous sommes une espèce d’exception culturelle dans le monde arabe et musulman. Le cinéma est une arme de construction massive. » Empruntée à la cinéaste marocaine Narjiss Nejjar, l’image traduit limpidement la vocation du festival de Marrakech qui s’est érigé, depuis son lancement en 2001, en carrefour du cinéma et en vitrine du monde; un espace privilégié de découvertes, mais aussi d’échanges et de rencontres, jetant des ponts entre les cultures. Un simple coup d’oeil à la sélection de la 13e édition de la manifestation, qui se tenait du 29 novembre au 7 décembre derniers, suffit d’ailleurs à s’en convaincre, qui alignait productions locales, bien sûr -le fort remarqué Fièvres, de Hicham Ayouch, ou le curieux Androman, de Az Larabe Alaoui, parmi d’autres-, aux côtés de films de toutes les latitudes, du Japon au Venezuela; de l’Inde à la Lettonie. Et qui invitait auteurs confirmés (Hirokazu Kore-eda avec Tel père, tel fils; James Gray avec The Immigrant; Terry Gilliam avec The Zero Theorem) comme jeunes réalisateurs -ainsi, par exemple, de Nabil Ben Yadir, venu présenter La marche sur une place Jemaa El-Fna surchauffée.

De fait, bon an mal an, ils sont ainsi quelques dizaines d’invités à faire le déplacement de l’Atlas, dont certains parmi les personnalités les plus en vue du 7e art. L’on a ainsi vu défiler sur le tapis rouge du palais des congrès de Marrakech les Isabelle Huppert, David Lynch, Shakrukh Khan, Francis Ford Coppola, Luc et Jean-Pierre Dardenne, Gael Garcia Bernal, Lee Chang-dong, Jim Jarmusch ou Maggie Cheung. Revue non exhaustive que seront venus garnir, cette année, Sharon Stone, Jamel Debbouze, Park Chan-wook, Marion Cotillard, Fatih Akin, Juliette Binoche ou autre Paolo Sorrentino. Et l’on pourrait continuer dans le name dropping ad libitum -il convient d’ailleurs d’ajouter à la liste Martin Scorsese, président du jury qui devait confesser un lien privilégié avec le Maroc, le cinéaste new-yorkais y ayant tourné The Last Temptation of Christ et Kundun, soit ses deux films à teneur spirituelle -ce qui ne doit évidemment rien au hasard.

Effet domino

S’agissant encore du millésime 2013, le Festival honorait, après la France, le Mexique et l’Inde, le cinéma scandinave, à travers une quarantaine de films réunis dans le programme Lumières du Nord, et en brossant un panorama à la fois historique et contemporain -soit le chemin conduisant de Dreyer à von Trier en passant par Bergman. L’occasion, pour la manifestation, de s’inscrire dans l’air d’un temps dont les productions nordiques, télévisées ou cinématographiques, battent régulièrement la mesure. Et une effervescence à laquelle quelques-uns se seront risqués à avancer une explication. Invité de marque d’une délégation nombreuse, Mads Mikkelsen y verra un phénomène générationnel, nous confiant: « On a vu pour la première fois au Danemark, au début des années 90, des gens issus d’une même génération, cinéastes, auteurs ou acteurs, émerger des écoles et collaborer ensemble étroitement à leurs projets. Nous étions nourris des mêmes films, et partagions nos rêves et nos aspirations, alors qu’auparavant, quand vous aviez 20 ans, vous étiez dirigé par un réalisateur de 70 ans, avec le gouffre que cela suppose. Nous avons pu nous définir nous-mêmes, et cela a engendré des films plus solides. » A quoi Noomi Rapace, l’actrice suédoise de Millénium et Prometheus ajoutera un autre élément: « Les films de Lars von Trier ont été une grande source d’inspiration pour moi. Lorsque l’on voit quelqu’un de son pays, ou d’un pays voisin, arriver à faire cela, on ne peut que se dire pourquoi pas moi? Il y a une sorte d’effet domino. » Ce n’est pas Nicolas Winding Refn, auteur d’une mémorable leçon de cinéma (lire par ailleurs) qui démentira…

TEXTE Jean-François Pluijgers, À Marrakech

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