Love Means Zero – Service gagnant

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« C’est la version capitaliste d’une vision communiste de l’entraînement athlétique. Prenez des jeunes joueurs prometteurs. Éloignez-les de leur famille et amis. Et concentrez-vous sur une seule chose: produire des champions. » Dans une séquence télévisée d’antan, un journaliste résume à sa manière l’académie Nick Bollettieri. Fabrique floridienne de champions qui vit notamment Jim Courier, Pete Sampras, Monica Seles, Marcelo Rios, les soeurs Williams, Martina Hingis, Jennifer Capriati, Xavier Malisse et forcément Andre Agassi souffrir et suer sous ses ordres et sur ses courts…

« Un bon mental, c’est à 80% un bon physique », a coutume de dire cet impitoyable bourreau de travail que certains considèrent davantage comme un tyran que comme un entraîneur de tennis. Derrière un look de vacancier, le teint toujours fortement hâlé, les lunettes de soleil en permanence sur le nez, se cache un ancien militaire (il s’est engagé chez les parachutistes alors que la guerre de Corée touchait à sa fin). Un fils d’immigrés napolitains élevé dans les faubourgs du Bronx qui a touché sa première raquette à 20 ans, n’a jamais gagné un match de sa vie, mais a fait remporter des dizaines de tournois du Grand Chelem et a travaillé avec pas moins de dix numéros 1 mondiaux.

Face caméra, souvent secoué par son intervieweur, Bollettieri aujourd’hui âgé de 87 ans (le docu date de 2017) parle souvent de lui à la troisième personne et se raconte. Brut de décoffrage. « Dans 60 minutes (magazine d’information de CBS, NDLR) , Morley Safer interviewait un psychiatre du sport, se souvient-il. Et ce psychiatre disait: « Cet homme est fou. Il arrache des enfants à leur famille et les oblige à vivre avec lui. Il ne leur donne pas à manger. Il les frappe. Et les oblige à laver sa voiture . » Le dernier truc, c’est vrai. N’empêche que ma mère s’est mise à jurer en italien. Elle a demandé à mon père: « Pourquoi parlent-ils ainsi de notre fils? » Mon père lui a répondu: « Mary, si tu n’es personne, personne ne parlera de toi. Peu importe ce qu’ils disent, tu réponds merci… » « 

Méthodes agressives, absence de psychologie, coups tordus… Love Means Zero revient sur une quête sans fin de gloire et tente de percer les mystères d’un dur à cuir. Un mec impulsif qui a tout donné à la petite balle jaune et dit ne pas se souvenir du nom de ses huit épouses. Rythmé par des interviews de ses collaborateurs et d’anciens joueurs (Courier, Becker…), ce documentaire s’appesantit aussi surtout sur la relation tumultueuse entre Bollettieri et Andre Agassi (qui a refusé d’apparaître dans le film). « J’ai enfreint une règle en enlevant des enfants à leurs parents pour les grouper dans une académie. La première au monde, se targue le sulfureux octogénaire. Si je ne l’avais pas fait, le tennis n’en serait pas là où il en est aujourd’hui. » Passionnant.

Documentaire de Jason Kohn.

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