Louvre mal luné

Le Hong-Kongais Li Chi Tak rejoint la « collection Louvre » de Futuropolis, régulièrement achalandée depuis l’Asie, pour un album aussi virtuose que nébuleux.

Quinze ans déjà que le musée du Louvre (et son propre secteur éditorial) s’est ouvert à la bande dessinée pour s’assurer une promotion alternative, en France et « world- wide », en s’associant avec Futuropolis pour des albums au concept simple mais sans limites: offrir une carte blanche à un auteur trié sur le volet, et surtout lui ouvrir large les portes du plus grand musée du monde -et ce en dehors des heures de visites habituelles, privilège rare!- afin qu’il intègre, dans un récit de fiction, le Louvre et les oeuvres qui l’auront inspiré. Un exercice de style auquel se sont déjà pliés, pour ne citer que les plus connus, Nicolas de Crécy, Marc-Antoine Mathieu, Enki Bilal et Étienne Davodeau, mais qui s’ouvre de plus en plus, aussi, aux auteurs asiatiques, avec un palmarès à faire pâlir tous les amateurs de manga chic: Jiro Taniguchi, Hirohiko Araki, Naoki Urasawa et Taiyo Matsumoto y ont ainsi déjà sévi sans rien perdre de leur style et de leur univers… Les voilà rejoints aujourd’hui par Li Chi Tak, grand maître hong-kongais de presque 60 ans dont seuls deux albums étaient jusqu’ici parvenus jusqu’à nous ( Spirit en 1998 et The Beast en 2016). Et par « grand maître » il faut entendre un virtuose du dessin à l’expérience évidente et au réalisme parfois réellement saisissant… Mais qui ne s’encombre pas de prendre ses lecteurs par la main: on avait rarement lu un récit qui réussit à être prenant tout en restant (très) énigmatique, maniant l’étrange et l’anxiogène à la manière d’un Katsuhiro Otomo.

Louvre mal luné

Art et destruction massive

Pour être honnête et franc en ce début d’année plein de bonnes résolutions, on avoue avoir dû lire le résumé pour comprendre, un peu, ce que Li Chi Tak racontait, surtout dans ses premières planches, certes superbes, mais soit sans paroles, soit mixant époques et protagonistes. Dans un futur proche mais déjà apocalyptique, où les attentats se font à la bombe atomique, deux scientifiques visiblement rincés tentent de remettre la main sur cinq cyborgs-guerriers dont ils ont modifié la programmation: les voilà libres-exaministes et désormais capables de se choisir une existence. Sauf que tous, mal « rebootés », restent des armes de destruction massive… à l’exception de Mary, cyborg qui s’est égarée au Louvre, et qui n’en décolle plus, fascinée par la beauté qu’elle découvre dans la Vénus de Milo, les toiles de Delacroix ou la Victoire de Samothrace. L’art comme dernière preuve de l’existence de notre humanité… Dit comme ça, on comprend vite. Mis en récit par Li Chi Tak, le propos devient un  » récit d’anticipation philosophique » autrement plus complexe, mais autrement, aussi, plus agréable à l’oeil.

Moon of the Moon

de Li Chi Tak, éditions Futuropolis, 128 pages.

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