Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

UN CONTE SF BOURRÉ D’UNIVERS PARALLÈLES ET DE MISES EN ABYME QUI NE FACILITE PAS LA VIE DE SES LECTEURS, MAIS CONDENSE TOUTES LES OBSESSIONS DES COMICS US.

The Wrenchies

DE FAREL DALRYMPLE, ÉDITIONS DELCOURT, TRADUIT DE L’AMÉRICAIN, 304 PAGES.

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Première strate: deux gamins, Sherwood et Orson, découvrent une grotte étrange dans laquelle, visiblement, se situe un passage qui ne l’est pas moins. Deuxième strate: dans un futur sans doute proche mais apocalyptique et détraqué, des créatures diaboliques baptisées les Shadowsmen ont besoin des enfants pour alimenter leurs machines à cauchemar. Seules survivent des bandes de gamins en armes parfois dotés de pouvoirs très spéciaux. Parmi eux, les Wrenchies, du nom d’une vieille bande dessinée trouvée dans des décombres. Troisième strate: le présent et Hollis, gros petit garçon (très) mal dans sa peau, harcelé et solitaire, mais surtout fan de comics, au point de s’habiller comme eux et d’oser voler un exemplaire de The Wrenchies, comics bizarroïde qu’il affectionne. Enfin, quatrième strate qui va évidemment mêler les trois autres: The Wrenchies est un comics dessiné et écrit, à l’âge adulte, par Sherwood (strate 1), contenant en réalité un sort à déchiffrer pour délivrer le monde de ses futures ténèbres (strate 2) ainsi qu’une porte menant d’un monde à l’autre. Hollis (strate 3) va ainsi rejoindre les Wrenchies pour détruire les Shadowsmen. Et donner corps à ce graphic novel imposant, écrit et dessiné non pas par Sherwood, mais par l’Américain Farel Dalrymple. Lequel gagnerait autant à être connu qu’à simplifier un brin, on l’aura compris, son ambitieux propos.

Tout en un

Trois-cents planches, quatre niveaux de narration pour autant d’histoires dans l’histoire de The Wrenchies: ce quadragénaire qu’on ne connaissait pas (il a réalisé un épisode de la série The Prophet, a été nommé aux Eisner Awards pour un autre graphic novel pas encore traduit) semble avoir parfaitement intégré l’adage, comme beaucoup dans le comics, qui veut qu’il est inutile de faire simple quand on peut faire compliqué… Avec la multiplication des entrées, des méthodes narratives et des points de vue, il faut bien une centaine de pages pour assimiler le début du propos de ce roman graphique virtuose, et dont le fond s’avère peu à peu aussi ambitieux que la forme puisqu’il brasse tout simplement ce qui semble être la quasi-totalité des thèmes récurrents des comics modernes: perte de l’innocence, passage à l’âge adulte, nihilisme contemporain, mythologie des super-héros, rôle des créateurs, pouvoir de l’imaginaire… Autant de sujets qui hantent tour à tour les BD de Dylan Horrocks, Charles Burns, Mike Mignola, Frank Miller, Scott McLoud, Craig Thompson… Mais ici, tout y est! Certes, Dalrymple n’atteint pas encore la perfection de chacun d’eux, mais l’auteur est à suivre s’il est encore traduit. Avec, à ce niveau-là aussi, un peu plus de fluidité et de limpidité.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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