Loin des clichés

Le scénariste Jean-David Morvan, féru de photographie, retrace la vie d’un des géants du photo-reportage, avec un nouveau venu au dessin. Passionnant.

Le nom de Stanley Greene ne vous dit sans doute rien, et pourtant, nous avons tous déjà croisé son regard et ses photos. Pendant près de 30 années, cet Américain originaire de Brooklyn a couvert la plupart des guerres, des fléaux et des grands événements de notre temps: la chute du mur de Berlin, une tentative de coup d’État en Russie, les guerres en Irak, en Somalie, au Cachemire, au Liban ou en Tchétchénie, le génocide rwandais ou encore l’ouragan Katrina. Chaque fois, Stanley Greene y était, au péril de sa vie, pour des clichés qui ont fortement marqué son époque, et dont beaucoup sont présents dans ce biopic hors norme, réalisé en bande dessinée, mais aussi en photos de Stanley Greene directement intégrées au récit. Une des bonnes idées de Jean-David Morvan (avec le recrutement du jeune dessinateur Tristan Fillaire) à l’origine de cet album qui lui tenait visiblement à coeur.

Monologue post-mortem

Scénariste français prolixe et touche-à-tout, de Sillage à Spirou, et spécialiste des adaptations en tout genre, JD Morvan s’est lancé il y a quelques années chez Dupuis dans des récits en BD autour de photos et de photographes baptisés Magnum Photos, du nom de la célèbre agence du même nom (le quatrième tome, consacré au combat de boxe entre Mohamed Ali et George Foreman à Kinshasa en 1974, vient de sortir). Un regard BD sur la photo qu’on n’avait plus vu depuis le fameux Photographe d’Emmanuel Guibert, qui lui a donné le goût du mélange et des photo-reporters de guerre tels Stanley Greene, cofondateur de l’agence Noor en 2007.

Loin des clichés

Ce sont donc les éditions Delcourt qui accueille ce récit d’un Morvan très impliqué, lancé dans un long monologue que « son » Stanley Greene entame après sa mort, le 19 mai 2017:  » La mort, toute ma vie, je m’en suis approché le plus près possible. Elle m’a reniflé, elle m’a hanté, elle me respecte. C’est en contemplant son oeuvre que j’ai appris à raconter les histoires des autres. Ce n’est sûrement pas elle qui va m’empêcher de raconter la mienne. » Un procédé narratif étonnant, mais qui se marie admirablement avec le dessin à la fois expressif et réaliste du jeune Tristan Fillaire, dont c’est ici le premier album -Morvan l’a rencontré alors qu’il animait un atelier à l’académie Brassart Delcourt de Paris- et lui aussi totalement impliqué dans cette biographie sans fard.

Greene, longtemps héroïnomane, est décédé des suites d’une hépatite B, à l’âge de 68 ans, après une existence marquée par ses défis à la mort. Une vie à vif, à découvrir d’urgence.

Stanley Greene, une vie à vif

de Jean-David Morvan et Tristan Fillaire, éditions Delcourt, 126 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content