PARQUET COURTS SECOUE LE COCOTIER DE L’UNDERGROUND NEW-YORKAIS. OU QUAND UNE BANDE DE TEXANS EXILÉS À BROOKLYN RAVIVE LA FLAMME DES MODERN LOVERS, DE TELEVISION, DES BUZZCOCKS ET DE WIRE…

« On n’a pas fait grand-chose pour s’ouvrir les portes de l’Europe et de l’industrie. Pendant longtemps, j’ai vendu nos disques moi-même. Je les envoyais en Norvège, en Suède, en France, en Angleterre depuis mon appartement new-yorkais… Il y a toujours eu une communauté qui s’intéressait de près à la musique DIY. Je n’avais qu’à honorer les commandes. »

Dans les coulisses du Pukkelpop où il donnait son premier concert belge le 15 août dernier, Andrew Savage (l’un des deux chanteurs guitaristes) se raconte. A l’époque, ça fait tout juste un an qu’il a sorti le premier album de Parquet Courts, Light Up Gold, sur son label Dull Tools. Cinq mois qu’il s’est fait repérer et est distribué par What’s Your Rupture? (Fucked Up, Iceage, Long Blondes…).

Le mec, qui avoisine les 27 piges fatales à tant de rock stars, a déjà pas mal roulé sa bosse. Il fonde les Teenage Cool Kids en 2006 à Denton, Texas. Puis deux ans plus tard les recommandables Fergus and Geronimo (noms des chefs de gang de La Guerre des boutons en anglais dans le texte)… « Juste une bande de copains qui se fendaient la gueule et qui sont devenus un groupe par erreur. »

Parquet Courts, lui, voit le jour à New York où Savage retrouve Austin Brown, un vieux pote de collège. « Austin était branché par la scène indé. Tandis que notre bassiste Sean (le frère d’Andrew, Max, complète le line-up à la batterie, ndlr) et moi avions plutôt des racines punk. Au départ, on s’est demandés par qui on était influencés, et j’ai enregistré une compilation. Dessus, tu retrouves Sonic Youth, Crass, pas mal de punk anglais… Du punk américain aussi de la fin des années 70 et du début des années 80. The Adolescents, Saccharine Trust… Puis le Velvet, des groupes plus noisy comme The Dead C. Je pense avoir dit à Austin que je voulais sonner comme des artistes du label Siltbreeze. »

Il y a également du Buzzcocks, du Modern Lovers, du Television chez ces jeunes excités… « Assurément. Mais ce sont les Beatles qui m’ont donné l’envie d’empoigner un instrument. Je devais avoir neuf ans… A l’époque, ils inventaient des choses tout en proposant de la musique populaire. Mais on a tendance à idéaliser le passé. C’était un autre monde. L’industrie et l’écriture de chansons fonctionnaient bien différemment d’aujourd’hui. »

Death By Audio

Parquet Courts, c’est un punk urbain et lettré qui parle de solitude, de panne d’inspiration, d’être pété et affamé… Savage a étudié l’art à l’université du Nord Texas et exprime un intérêt non feint pour les écrivains postmodernistes. « DeLillo, Pynchon, David Foster Wallace. Mais j’apprécie aussi un Phil K. Dick ou une Virginia Woolf. » Pour les paroles, il ne sait s’il doit utiliser le mot admiration ou inspiration quand il cite Jonathan Richman, Mark E. Smith (The Fall)… « Des trucs simples aussi, comme cette chanson Wasted de Black Flag. J’aime les choses cérébrales, mais elles peuvent devenir franchement casse-couilles. Il faut, je crois, créer un équilibre avec des textes sans prétentions intellectuelles. Voire un peu stupides. Ce contraste, c’est ce qui rend le punk si intéressant à mes yeux. »

Maintenant que le CBGB est un magasin de vêtements pour bobos, les rejetons de la scène punk new-yorkaise se retrouvent notamment au Death By Audio. C’est là, à Williamsburg, dans cet ancien entrepôt aux allures de squat, que les Parquet Courts se sont fait les dents. « Il y a pas mal de spots DIY à Brooklyn. Death By Audio est celui qui tient le coup depuis le plus longtemps. Le Silent Barn vient de déménager. Il y a aussi le 285 Kent. L’un des plus grands clubs de la ville. Mais un lieu résolument underground.  »

Accointances australiennes

Tout en louant les mérites des New-Yorkais Murderer, Household, PC Worship -« ils ont aussi ce groupe The Dreebs, une vibe noisy à la Butthole Surfers meets The Residents« – et autres Future Punx -« les Talking Heads et Blondie qui rencontrent Devo et Kraftwerk« -, Parquet Courts reconnaît ses accointances avec la vibrante scène australienne. Eddy Current Suppresssion Ring, UV Race, Total Control… « On a tourné avec ces deux derniers en Amérique. L’Australie domine le rock underground d’aujourd’hui. Deux de mes disques préférés actuellement viennent de là-bas. Je pense aux albums des Satanic Rockers et de Constant Mongrel.  »

En attendant, les Parquet Courts ont déjà eu l’opportunité de rencontrer quelques-uns de leurs héros. Ian MacKaye (Fugazi, Minor Threat) a assisté à un de leurs concerts et ils ont joué avec Henry Rollins au Danemark. « Je ne leur ai pas parlé. Ces mecs ont exercé une influence considérable sur ma vie. Je n’ai aucune idée de ce que j’aurais pu leur raconter. J’aurais risqué d’être trop abrupt ou excessivement démonstratif. » Ils ont aussi eu l’occasion d’interpréter Stoned & Starving et une reprise des 13th Floor Elevators en compagnie de Spiral Stairs. Comprenez Scott Kannberg de Pavement. « Il nous a e-mailés pour jouer avec nous. Un putain d’honneur. »

Parquet Courts vient de sortir un EP et le label de Savage, Dull Tools, de publier son quatrième album, un disque des plutôt bruts et décapants Yuppies. « Si je devais donner un conseil aux mecs qui vont créer leur propre structure, je leur dirais de ne pas s’attendre à ce que ça devienne un boulot et leur rapporte du fric. De choisir des artistes parce qu’ils les aiment et non parce qu’ils pensent pouvoir les vendre. Trouvez votre groupe préféré. Demandez-lui s’il veut sortir quelque chose et commencez avec un 45 tours ou une cassette. » La sagesse du Sauvage…

LE 27/10 À L’AB CLUB.

LIGHT UP GOLD, DISTRIBUÉ PAR PIAS.

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TEXTE Julien Broquet

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