THE GO-GO BOYS VIENT RAPPELER L’INCROYABLE PARCOURS DU CANNON GROUP ET DE SON DUO DE CHOC GOLAN ET GLOBUS.

La scène se déroule par une belle soirée de mai, dans le décor spectaculaire du château de La Napoule, près de Cannes. Nous sommes au milieu des années 80, et le tout Festival a quitté la Croisette l’espace d’une soirée, à l’invitation d’une société de production nouvellement créée, qui veut se lancer en beauté. Le champagne coule à flot, les buffets de fruits de mer sont pris d’assaut par une foule en tenue de soirée, au sein de laquelle évoluent des montreurs d’animaux (ours, guépard, bébé tigre…) et des gladiateurs simulant des combats! Un homme massif, aux cheveux poivre et sel, observe l’agitation avec un sourire songeur. Il s’appelle Menahem Golan, il est producteur, et quand on l’interroge sur ce qu’il pense de cette folle « party », il nous répond: « Je pense à tous les films que je pourrais faire avec le budget dépensé ici ce soir. » Avant de partir d’un grand éclat de rire…

Plus personne ne se souvient du nom de la société patronne de la soirée. Pour cause! Elle n’a jamais produit le moindre film par la suite… Golan et son compère Yoram Globus, eux, en ont produit des tas. Et leur Cannon Group a bien failli se hisser parmi les « major companies » à Hollywood! L’histoire de leur incroyable saga, évoquée par le doc de Hilla Medalia, avait débuté en Israël dans les années 60…

Menahem Golan, né en 1929 à Tibériade, avait depuis l’enfance rêvé de faire du cinéma. Il avait connu des succès, et aussi des échecs, en tant que réalisateur de films destinés à un public populaire et dont les plus vus établirent sa réputation de Monsieur Cinéma israélien. Quand son cousin Yoram Globus, de douze ans son cadet, lui fut « expédié » par son père avec pour mission d’en faire quelqu’un, Golan constata très vite que le jeune homme possédait un talent pour l’organisation et la vente. Quand il le prit comme associé dans Noah Films, le partage du travail (le créatif pour l’aîné, le financier pour le jeunot) s’imposa logiquement. Basée sur des films de genre à petits -voire très petits- budgets (à l’image du king du cinéma d’exploitation made in USA Roger Corman), la politique des cousins porta ses fruits en Israël mais aussi à l’exportation. Au point de les faire progressivement rêver à une autre dimension. La chance se présenta en 1979, sous la forme d’une petite société américaine en difficulté. Cannon Films, fondé douze ans plus tôt par Dennis Friedland et Chris Dewey, avait aligné les films à budget limité (300 000 dollars au grand maximum) et connu brièvement le succès avec Joe, Blood On Satan’s Claw et The Sorcerers. Une suite d’échecs cuisants en faisaient une proie facile… Golan et Globus rachetèrent Cannon pour 500 000 dollars et s’installèrent à L.A. Bureaux modestes, sandwiches à midi, l’argent devait aller aux films, selon le modèle de production ayant fait merveille en terre israélienne. Et les séries B, voire Z, de fleurir en abondance, avec pour principal cheval de bataille l’action violente. Et pour corollaire la naissance à l’écran de vedettes comme Chuck Norris et Jean-Claude Van Damme. Lequel raconte avec verve dans le documentaire de Hilla Medalia son premier et impensable rendez-vous, déjà décisif, avec Menahem Golan.

L'(in)évitable chute

Le magazine Newsweek consacrera la success story des cousins, en les surnommant Go-Go Boys pour leur hyperactivité, la manière éminemment « rentre-dedans » avec laquelle ils bousculent alors l’establishment hollywoodien. L’argent coule à flots, et Golan-Globus, qui rêvent d’Oscar et de Festival de Cannes, vont s’acheter une crédibilité artistique en produisant John Cassavetes (Love Streams), Franco Zeffirelli (Otello), Andrei Konchalovsky (Maria’s Lovers) et même Jean-Luc Godard (King Lear), dont le contrat sera signé sur une nappe d’un restaurant cannois… Les sommets sont atteints pour une compagnie tutoyant les majors à Hollywood (43 films à l’affiche en 1986!), et pour laquelle la presse rebaptise le Festival de Cannes « Festival of Cannon »… Golan, qui réalise encore des films, fait tourner Stallone, mais ce sera un four. Cannon achète des salles de cinéma dans de nombreux pays mais s’endette au passage. Et quand Globus conseille à son aîné de mettre un frein à sa frénésie de projets, Golan ne l’écoute pas. C’est -déjà- le début de la fin. Surendettée, en manque cruel de cash-flow, la société plongera, sur fond de rupture entre les cousins. Menahem Golan est mort l’été dernier, Yoram Globus, après un épisode croustillant à la MGM que narre évidemment The Go-Go Boys, s’est reconverti en développant des studios de tournage dans son pays natal. Les aventures de Mémé et Yoyo se parcourent avec un plaisir certain. Parce qu’ils surent défier l’industrie autant que le bon goût, parce qu’ils offrirent aussi une version haute en couleur des « moguls » d’autrefois. Quentin Tarantino, un admirateur, ne s’y est pas trompé.

TEXTE Louis Danvers

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