AVANT AGNES OBEL, DIVERSES CHANTEUSES INCARNENT LA PASSION SELON SAINT-ROCK. PATTI SMITH, BJÖRK, EMILIANA TORRINI ET LES NOUVELLES VENUES ANNA CALVI ET RYKARDA PARASOL FAÇONNENT TOUTES UNE FORME ABSOLUE DE ROMANTISME.

PATTI, ROCK’N’RIMBAUD

Quand Patti Smith (1946) sort son premier album, Horses, à l’automne 1975, son programme est sur la pochette. Photographiée par l’ami/amant Robert Mapplethorpe, elle masculinise un look beatnik, veste noire chemise blanche, tignasse garçonne, pantalons hobos. Renforcée par l’absence de poitrine, la pose crée d’emblée un personnage ambivalent. Totalement inédit pour l’époque, où les chanteuses US perpétuent sagement la tradition folk (Joni Mitchell) ou les sonorités pop FM (Heart), loin des saillies rock. Ce qui est précisément l’option de Patti, nourrie par Dylan et les Stones vintage, autant que par la poésie illuminée de Rimbaud, n’hésitant pas à se rendre en pèlerinage dans la ville natale d’Arthur, au c£ur des Ardennes françaises, en 1973… De tout cela et du New York seventies, elle fera un mix explosif, de large ampleur sonique, grandissant -comme ses cheveux- dans une idée absolutiste de la musique et de la vie. Trente-six ans plus tard, chargée de succès et de défunts -Mapplethorpe, son mari, son frère-, Patti incarne toujours la configuration d’un romantisme virulent. Plus fort que tout, survivant.

BJÖRK ET EMILIANA, TRADITION GEYSER

Au fil des ans, Björk s’est construit une multiplicité de looks et d’expérimentations sonores tentés par l’extrême. Son romantisme à elle fraude toutes les conventions, celles liées au sexe, mais encore plus au rôle d’entertainer de Première division mondiale. On se souvient du pétage de plomb à l’aéroport de Bangkok en 1996 -des journalistes harcelaient son fils de 10 ans-, on connaît moins sa réaction éruptive du même type, en 2008 en Nouvelle-Zélande. Conséquences d’une quasi schizophrénie chez cette fille de syndicaliste, intimement liée à la nature de son Islande sauvage, et qui en a conçu une sorte de romantisme animiste, dans lequel l’âme habite autant la musique que l’amour et les pierres volcaniques. A contrario, sa compatriote Emiliana Torrini -papa est italien…- est le genre de brune qui fait mousser les pages des revues de mode sans provoquer écume ou scandale. Le physique comme les chansons de la belle émanent du même top-model poli jusqu’à l’extase, laissant aux sonorités acoustiques et à la voix, parfois réminiscente de Björk ( Birds), le loisir de faire rêver (les mecs) un peu, beaucoup, énormément. Comme si Bilitis (1) avait fait son nid en Islande avec une fille nature dans un parfait fantasme paneuropéen.

ANNA ET RYKARDA, UTÉRUS MÂLES

 » Si Nick Cave avait un utérus et était enceint(e) de Johnny Cash (…), Rykarda Parasol serait leur fille avec une voix basse »: la fine formule, du site américain Crawdaddy, n’a pas tort mais omet de dire que la mère spirituelle de Rykarda Parasol, suave fausse blonde de San Francisco, est bien Patti Smith. Qu’elle évoque farouchement sur For Blood And Wine, premier de ses 2 albums à être réellement distribué en Belgique (Rough Trade). La trentenaire qui  » joue le rock sombre » devrait connaître une grande carrière romantique -elle le mérite- à moins d’être éclipsée dans la catégorie « filles-qui-font-un-peu-peur-aux-mecs-mais-qui-néanmoins-les-troublent-à-fond  » par Anna Calvi. Cette Italo-Britannique a sorti en janvier un impressionnant premier album éponyme, forgé de chansons aussi langoureuses que vénéneuses. Moitié cabaret sauvage, moitié bombe sexuelle, la fille est servie par un physique niveau 8 sur l’Echelle de Richter. Blonde/brune fatale. Romantique. Manière de le dire sans trop savoir ce que ce terme tout à coup très chaud offre véritablement comme débouché pratique… l

(1) À L’ORIGINE, LES CHANSONS DE BILITIS SONT UNE COLLECTION DE POÈMES ÉROTIQUES, TENDANCE LESBOS, PUBLIÉS PAR LE FRANÇAIS PIERRE LOU S EN 1894. ILS CONNAISSENT UNE VIE SUPPLÉMENTAIRE AVEC LE FILM BILITIS SORTI EN 1977, LOINTAINE ADAPTATION DE L’îUVRE ORIGINALE DANS UN STYLE SOFT-ÉROTIQUE METTANT EN SCÈNE DE TRÈS JEUNES FILLES.

TEXTE PHILIPPE CORNET

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