ENTRE DÉSIR AMOUREUX ET FOI RELIGIEUSE, MALGORZATA SZUMOWSKA CHERCHE UNE VÉRITÉ COMPLEXE DANS LE SULFUREUX IN THE NAME OF.

Le regard est perçant, le visage aux pommettes saillantes respire la détermination. On a vite compris, face à Malgorzata Szumowska, qu’elle n’a pas froid aux yeux. Le nouveau film de la réalisatrice polonaise relaie avec force, avec éloquence, le caractère trempé d’une artiste peu encline à se soumettre aux conventions morales d’une société encore très marquée par l’empreinte du pouvoir religieux. Mettre en scène, au pays de Jean-Paul II, un prêtre homosexuel, n’est pas le choix le plus facile pour recueillir l’adhésion critique et encore moins pour obtenir un succès populaire. Szumowska n’en a cure. Elle sait pourquoi il lui fallait tourner In the Name Of.

« Il n’est pas facile d’être homosexuel en Pologne, explique la réalisatrice. Certes, dans les grandes villes, on peut ne pas rencontrer de rejet brutal, mais dans le pays profond, les risques sont grands de subir l’opprobre, l’insulte, voire la violence. Le contexte reste difficile pour les gays. 90 % des Polonais se déclarent catholiques… même si ce n’est parfois que par tradition, car beaucoup ne mettent jamais le pied à l’église! Et un fort courant ultra-conservateur pèse sur le parlement. Il n’est pas rare d’entendre des politiciens s’exprimer de manière péjorative sur l’homosexualité. Pour eux, pour une partie du public et même de la critique, voir un prêtre entretenir une relation homosexuelle, c’est trop. Je suis une sorte de traître à leurs yeux, d’avoir osé faire mon film. Pourtant, je n’ai jamais voulu faire de ce film une chose politique. J’aspire seulement à montrer une réalité vécue, une réalité humaine qui se doit d’être regardée avec le respect que tout humain mérite, quelle que soit son orientation sexuelle…  »

Si Szumowska met en scène un prêtre, c’est parce qu’elle voulait avant toute chose « rendre sensible la solitude extrême, l’absence non seulement d’amour mais même de la possibilité d’aimer, parce que c’est tout simplement interdit. » Elle a écrit le rôle d’Adam directement pour Andrzej Chyra, un acteur renommé, au puissant charisme. « Il me fallait un interprète qui possède un rayonnement personnel intense« , déclare celle qui a voulu donner à son film « une sensualité globale, où la nature elle-même affiche une charge érotique, est accueillante à l’éveil sexuel d’un prêtre et d’un jeune homme dont la passion va défier les normes du milieu dans lequel ils évoluent. Cette histoire devait prendre place dans un environnement naturel, je ne l’imagine pas survenir dans une ville. »

Priorité au réel

Après avoir hésité, tourné plusieurs fins possibles, la cinéaste a choisi de terminer son film sur un coup de théâtre que nous ne révélerons certes pas ici, mais qui devrait faire scandale à lui seul. « Pourtant, cette solution précise trouvée par certains prêtres gays voulant protéger leur relation avec un jeune amant au sein même de l’institution religieuse est bel et bien fidèle à la réalité, commente-t-elle. De tels faits ont été rapportés par les médias… » Malgorzata Szumowska confirme « la priorité donnée au réalisme sur la sentimentalité. Finir mon film en mode « love story » n’aurait pas été honnête, il me fallait montrer qu’il n’y a pas de bonne solution tant que des êtres humains doivent cacher leurs désirs, leurs émotions, tant qu’on exige d’eux qu’ils se sentent coupables de ce qu’ils ressentent au plus profond d’eux-mêmes. Il n’y a pas de fin heureuse dans ce contexte-là…  »

Heureusement, et malgré les réticences qu’on imagine facilement, « le sujet de l’homosexualité et plus largement de la liberté de choisir ses partenaires sexuels est en train de devenir un vrai sujet de débat en Pologne. » Et la réalisatrice de conclure: « J’ai moi-même été catholique avant de quitter la religion, à la mort de mes parents, parce que je ne ressentais plus le besoin de croire pour bien vivre ma vie, d’obéir à une doctrine, à une autorité, pour museler mes peurs (de la mort, de la solitude). Je ne juge pas les prêtres, ni les croyants. Ils ont besoin d’un dieu, moi pas. Ce que je critique, c’est un système de pensée qui conduit à l’exclusion de ce qui est différent(1), et à la pire chose qui puisse nous arriver: la négation de soi, de ce qu’on est profondément. »

(1) LE FILM FAIT AUSSI ÉCHO À L’ANTISÉMITISME BANALISÉ D’UNE CERTAINE JEUNESSE POLONAISE.

TEXTE Louis Danvers

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