Les eaux de Joana

Loué au moment de la publication d’ Autisme, Valério Romão livre ici le deuxième volume de sa trilogie des paternités ratées. Dès l’introduction, le roman crée un climat de cocotte-minute, emmené par un galop stylistique fougueux: dans une villa de São Domingos de Rana où a lieu une fête, Joana s’introduit dans l’aile privée des propriétaires et donne le sein à leur fils, provoquant aussitôt le malaise de l’assemblée. Même s’il ne s’agit au final que d’un cauchemar, les enjeux considérables que la jeune femme place dans son ventre rond restent patents. Mais voilà qu’après sept mois, la poche des eaux se brise, et qu’une fois mère et foetus arrivés à l’hôpital, il est déjà trop tard. Dans la salle d’attente, Jorge croit toujours que leur fils Francisco est à naître. Alors même qu’elle devra mettre au monde ce qu’elle considère comme un échec insurmontable, Joana se voit en  » vaisseau-fantôme, navire de guerre mal équipé« . Le romancier portugais pose un oeil à la fois clinique et baroque sur cette injonction primale de l’enfantement faite aux femmes et à leur corps. Tandis que son héroïne en plein déni affabule, il corse la perfusion terrible en y injectant la sarabande de la violence hospitalière, en ton et gestes. Et le lecteur, comme le sismographe, de tressauter face à cette douleur irradiante.

De Valério Romão, éditions Chandeigne, traduit du portugais par João Viegas, 204 pages.

7

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content