À LA TÊTE DES ATELIERS CLAUS, PETIT PARADIS DE LA CULTURE EN MARGE, FRANS BOUILLONNE D’IDÉES ET DÉFEND UNE VISION « ALTERNATIVE » DE LA CULTURE À BRUXELLES. À LA FOIS POINTUE ET PROCHE DES GENS.

« Nous ne sommes pas juste un lieu de culture underground. Des mecs qui écoutent des choses bizarres dans leur cave. » A la terrasse du petit restaurant lusitanien qui fait face à ses « Ateliers », rue Crickx, Ateliers qui rouvriront au public tout beaux tout neufs le 28 septembre (1), Frans Claus prend immédiatement ses distances avec l’élitisme que peut laisser supposer sa programmation aventureuse et pointue. « Nous avons été les premiers à demander des rues pour les enfants à Saint-Gilles. A suggérer pendant l’été l’interdiction d’y circuler en voiture pendant une semaine. Nous avons également mené des actions pour que les riverains adoptent des arbres. Ou organisé des combats de fanfares avec les Portugais du coin. Des choses simples. L’esprit du quotidien. »

Si cet Alostois a quitté Gand en quête d’anonymat, qu’il trouve encore après 18 ans à Bruxelles en partant à la découverte de nouveaux coins, « en me promenant à Matonge, Molenbeek où j’ai toujours l’impression de me rendre pour la première fois« , Frans, le découvreur, l’agitateur, le passeur, l’entremetteur, est connu de tous les habitants du quartier.

Frans et la culture, c’est comme Obélix et la potion magique. Il est tombé dedans quand il était petit. « J’ai été beaucoup influencé par un oncle artiste. Et ce dès l’âge de 12 ans, se souvient-il. Luc Claus pratiquait l’art graphique et était spécialisé dans la gravure à la pointe sèche. Toute son oeuvre a gravité autour d’un thème. La sculpture de l’être, du corps humain sur un socle assez monumental. A la fois classique et moderne, il m’a stimulé. Ouvert sur l’art. Sur l’art et sur Bruxelles.  »

Jeune homme, Frans étudie les sciences politiques et sociales à Gand. Mais surtout prend des cours de théâtre et de cirque. « J’ai vite découvert que je n’étais pas fait pour être sur scène mais derrière. J’aime chercher les talents. Les associer. » Pendant quelques années, pionnières, il bosse chez Democrazy où Nirvana joue le 2 décembre 1989 devant max 200 personnes lors d’un week-end grunge de trois jours. Programme des grandes rétrospectives de ciné expérimental à l’Académie d’art de Gand.

Il débarque à Bruxelles au milieu des années 90. Le Grand Hôtel Central (aujourd’hui devenu le Marriott) est squatté pendant un an. Le Beursschouwburg y a déplacé ses activités. Ce Beurs, il en ouvre le Café avec la mère de son premier fils. « Mais j’en ai eu marre du monde culturel et artistique. Il y a toujours une lutte entre l’avant-garde et le public. Un combat parfois très fatigant à mener pour motiver les gens à être curieux.  »

Il se lance alors dans la rénovation d’un ancien dépôt de meubles rue Crickx, à Saint-Gilles. Il s’y aménage une chambre avec des parois en plastique. « De quoi installer mon lit et pendre mes vêtements. » Et finira par y organiser des concerts. Y tenir des salons d’artistes où débarquent musiciens, graphistes, performers, poètes, vidéastes. Les Ateliers Claus sont nés. Préfigurant la mode des concerts en appartement et de la « culture » chez l’habitant.

Injections vitales

Castus, Kurt Vile, Carla Bozulich, Tangtype, Isbells, Sylvain Chauveau… Elle est longue la liste des artistes, méconnus du grand public, à s’être produits dans le « laboratoire » de Frans Claus. « Les Ateliers ont grandi grâce au soutien de musiciens bruxellois comme Fred Lyenn (Dans Dans), Matthieu Ha, The Crappy Mini Band… Ils sont aussi liés aux Gantois de Madensuyu. Ont établi des connexions avec New York, le Japon… Je n’ai aucun programme linguistique ou communautaire. Ces discours ne m’intéressent pas. Mon fils a 7 ans et parle trois langues. C’est un grand avantage pour lui. Pour lui et pour la société.  »

Les Siëstas Sessions, un label aux tirages ultra limités, les soirées musiques insolites ou encore les Sleep In, des stages de 24H où les enfants mènent des enquêtes policières, créent des robots et dorment dans des tentes à l’intérieur de l’atelier… Claus joue la carte de l’originalité, de l’audace, de la diversité. « Les publics de l’art contemporain, du théâtre, de la danse, de la musique se mélangent peu. Or, moi, j’ai toujours voulu brasser les gens et les disciplines. Essayé de mêler les genres et les publics. Les idées, il y en a toujours assez. Ce sont les moyens et le temps qui manquent. »

Frans n’est, de son propre aveu, pas un grand sorteur. Il dit avoir adoré, à Vilvorde, le club de Little Jimmy. Pionnier du rock belge qui a ouvert pour les Rolling Stones à Forest. « Un endroit destiné aux gens qui vivaient sur les bateaux du Canal. » Il se sent aussi proche d’autres lieux culturels de la capitale comme la Compilothèque ou le HS63. « Il existe de plus en plus de réglementations. Toutes les petites initiatives sont poussées à s’installer dans des structures existantes. Or, il est important qu’à côté des grandes institutions comme le Botanique, l’AB, le National, le KVS, le Beurs, de nouvelles initiatives prennent vie. Ce sont elles qui prodiguent des injections vitales aux grandes institutions. » Elles qui mieux que les autres prennent le pouls de l’art et de la culture. « Que ce soit à Bruxelles ou n’importe où ailleurs. »

(1) LA SALLE PASSAGE ROGIER SOUS LES VOIES DE CHEMIN DE FER CONTINUERA D’ACCUEILLIR LES ÉVÉNEMENTS MOINS INTIMISTES.

RENCONTRE JULIEN BROQUET

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