DE WIM WENDERS. AVEC BRUNO GANZ, SOVEIG DOMMARTIN, PETER FALK. 2 H 18. 1987.

S’il était besoin de souligner le romantisme et la tristesse qui peuvent habiter Wim Wenders et son cinéma, il suffirait de montrer ce grand film de 1987, situant son action dans un Berlin encore divisé par le Mur et où des anges invisibles scrutent les pensées des humains et se posent en gardiens potentiels, mais bien plus fragiles que les représentations religieuses ne nous les présentent habituellement. Ceux auxquels s’attache le récit s’appellent Damiel et Cassiel. Ils se perchent sur les monuments de la ville, dont ils hantent la partie ouest en restant invisibles aux gens. Mais si ces derniers ne les aperçoivent pas, nos anges entendent ce qu’ils se disent intérieurement, et vibrent aux sentiments que ces transparences intimes peuvent révéler. Seuls les enfants, assez purs peut-être, sont par moments conscients de la présence de ces êtres qui étaient là bien avant qu’il n’y ait une ville, bien avant qu’il y ait des Hommes, mais qui ne peuvent interagir avec la réalité qu’ils observent de si près. Un jour, Damiel ressentira de doux sentiments pour une jeune artiste de cirque, une trapéziste prénommée Marion dont il va s’éprendre, au point d’envisager de renoncer à son immortalité pour embrasser la condition humaine…

Bruno Ganz interprète Damiel. Acteur suisse très prisé de Wenders, qui l’avait confronté à Dennis Hopper dans L’Ami américain ( Der Amerikanischer Freund) en 1977, celui dont l’interprétation d’Adolf Hitler au crépuscule de sa néfaste existence fascinera tant dans La Chute ( Der Untergang) signe une prestation prenante en ange amoureux. Solveig Dommartin, compagne de Wenders, incarne Marion avec une présence que renforce encore l’absence de « doublure » pour les scènes d’acrobatie (la comédienne dut apprendre le numéro en 2 mois à peine!). Otto Sander joue l’autre ange, Cassiel, avec un art hérité de la célèbre Schaubühne, le théâtre berlinois que dirigea Peter Stein et auquel le nom de ce remarquable acteur reste surtout associé. La surprise, venue des Etats-Unis, a les traits de Peter Falk, l’interprète récemment disparu de Columbo et -surtout- de Cassavetes. Il incarne dans Les Ailes du désir une star américaine présente à Berlin pour y tourner un film. Il s’inscrit lui aussi à merveille dans le rêve éveillé, mélancolique, émouvant, que magnifie la photographie noir et blanc sublime du vétéran français Henri Alekan (complice, dans sa jeunesse, de Cocteau, de Carné, de Clément). Wenders donnera, en 1993, une suite aux Ailes du désir avec Si loin, si proche ( In weiter Ferne, so nah!), dans un Berlin réunifié mais où les anges ont encore matière à préoccupation…

L.D.

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