Le voyage de Kato

Nicolas Bogaerts Journaliste

Beau Séjour, série flamande diffusée sur Arte cette année, débarque déjà dans sa version DVD. Sans rien d’autre à offrir que sa beauté singulière et hivernale.

Beau Séjour

Série créée par Nathalie Basteyns et Kaat Beels. Avec Lynn Van Royen, Katrin Lohmann, Kris Cuppens et Johan Van Assche. 4 DVD, 10 épisodes. Dist: Twin Pics.

7

En mariant le traditionnel whodunnit du genre policier au polar façon scandinave, les créatrices Nathalie Basteyns et Kaat Beels ont réussi un joli coup. Elle ont rehaussé un pitch de départ usé jusqu’à la corde -la mort d’une jeune fille réveille les fantômes d’une petite bourgade engoncée dans ses traditions et ses non-dits, où personne n’est fondamentalement innocent- d’un dispositif narratif intéressant: la victime, jeune adolescente prénommée Kato, fille de parents divorcés, mère recasée et père dépressif, ère parmi les siens en fantôme.

Seules une poignée de personnes de son entourage (sa confidente, sa soeur, son père, un policier pas rassurant et un garçon rencontré le soir de sa mort) peuvent la voir et interagir avec elle. En offrant à la victime de mener l’enquête de son propre meurtre, parallèlement à celle, très officielle et intransigeante, de l’ambiguë inspectrice Schneider, Beau Séjour réservait d’entrée quelques possibilités narratives particulièrement stimulantes, montrant deux réalités parallèles d’une vérité engluée dans les zones de gris. Le tout souligné par les ambiances photo entre ombre et lumière d’Anton Mertens, un usage de la langue locale préservé et un cadre folklorique loin des caricatures. Bref, une série de terroir intelligente, nuancée, bien écrite. Et surtout très bien jouée. Katrin Lohmann, formidablement glaçante en inspecteur Schneider, Kris Cuppens en père et clown triste, Johan Van Assche inquiétant en flic aux pulsions qui le sont tout autant et Lynn Van Royen incarnant cette Kato qui dissimule mal ses propres démons… L’édition DVD est, du coup, particulièrement décevante en ce qu’elle ne propose aucun bonus. Pourtant, il aurait été tellement intéressant de questionner le processus d’écriture (cinq co-scénaristes) et la manière dont la série, qui démarre sur les entrelacs majestueux d’arcs narratifs secondaires, ménage ses résolutions avant de les précipiter un peu trop hâtivement dans les derniers instants du dernier épisode -et un final qui ouvre les vannes à émotions.

Sans doute, tout a été trop vite pour l’équipe de Beau Séjour. Récompensée en 2016 par le Prix du Public au Festival Séries Mania, Beau Séjour a également transité par plusieurs autres rendez-vous du genre à Montréal, Zurich et Rotterdam, avant d’être diffusée sur la VRT (Een) et enfin Arte, où les audiences ont été plus qu’honorables (3.5 % d’audience, pas mal pour un jeudi de fiction).

Nicolas Bogaerts

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